Mulhouse, HEAR, 9h
“Haut et bas / avant et après” est le second volet du séminaire Design de la HEAR à Mulhouse. Avec Yann Tastevin, Alessandra Fanari, Emilie Hammen, Marie Heyd et Emanuele Quinz. Coordination Pierre Doze.
Entrée libre
Amphithéâtre de la Haute école des arts du Rhin
3 quai des Pêcheurs
68200 Mulhouse
+ 33(0)3 69 76 61 00
“Sous les angles conjugués de la mode et de la mort, d’une technique efficace et de son apparent déni, de l’éducation supérieure ou de l’exploitation de son absence, nous traverserons en une même journée un certain nombre de surfaces parcourues de courants multiples et souvent contradictoires. Celles de la peau et de ce qui l’habille (Hammen, Fanari), celles de la terre et de ceux qui l’habitent (Heyd). Celle de l’objet et de ce qui le meut (Tastevin, Quinz). Temporalité essentielle de la mode, illustration devenue figure caricaturale de la contingence, Alessandra Fanari voudra se concentrer sur cette apparence qui reste. Comment, à travers une pétrification de la mort, l’architecte ou le designer-dandy interrogent l’héroïsme (une insolente vanité?) déployé par l’individu pour s’exhausser encore, tandis qu’il est définitivement enfoui – s’extraire de la masse indistincte, propose Marie Heyd, d’un ultime compost, se distinguer finalement. Yann tastevin développe un propos où le design échappe aux désormais traditionnelles tentatives de catégorisation entre high et low pour pénétrer le territoire, excitant, du wild. L’introduction à cette wild tech est aussi la tentative de réconcilier des préoccupations techniques, des perspectives d’efficacité et la capacité à d’étranges débordements : la gravité éventuellement tragique d’une pratique du jeu. C’est peut-être aussi celle d’un design radical dont les Italiens balisent les terrains au début des années 70. Emanuele Quinz interroge aujourd’hui la pertinence de constats et d’actions, le projet Global Tools parmi d’autres personnalités saillantes. Une nostalgie critique est-elle possible? Emilie Hammen s’appliquera à poser dans une perspective historique les rapports entre le haut et le bas, sacré et profane, révéré et méprisé. Ou comment la mode (la coiffure, les accessoires, les attitudes qui les accompagnent) trouve des sources d’inspiration décisives dans les manifestations issus des milieux les plus défavorisés, misérables ou maudits, plus souvent réprouvés que dignement invités. En tous ces lieux nous trouverons un distinct esprit qui s’apparente à une résistance. Résistance de la matière, souple ou dure, textile ou minérale. Résistance des procédés mis en oeuvre pour dompter la chose et les mobiles qui devrait la conduire. Résistance des êtres, toujours tendus dans la tentative – souvent dérisoire, quelquefois sublime – de ne pas disparaître dans les brumes de l’anomie, banalisation, massification, corruption. Echapper à la pulvérisation atomique, ruser.”
yann tastevin
chercheur au cnrs (toulouse), yann tastevin développe un propos où le design échappe aux désormais traditionnelles tentatives de catégorisation entre ‘high’ et ‘low’ pour pénétrer le territoire beaucoup plus excitant du ‘wild’. l’introduction à ce qu’il a nommé ‘wild tech’ est aussi la tentative de réconcilier des préoccupations techniques, des perspectives d’efficacité, et une capacité à d’étranges débordements, qui doivent beaucoup à une pratique du jeu – dont on se convaincra, à nouveau, de sa rigueur et de son sérieux.
alessandra fanari
philosophe enseignante (istituto marangoni) et historienne de la mode, elle développe un propos articulé autour des rapports qu’entretiennent la mode et la mort. La capacité proprement surnaturelle que déploie l’industrie de la mode, capable notamment de réveiller les morts (Balenciaga, Vionnet, Patou) à prolonger presque indéfiniment les ondes créatives d’autres, mais surtout, et en dépit des caricatures auxquelles elle se prête facilement, la célébration de la vie – la conjuration de la mort – que porte plus essentiellement la mode et le renouvellement de ses cycles. Jeunesse éternelle, philtres mystérieux et grâces étranges font partie du programme.
emilie hammen
historienne et chercheuse (ifm), elle concentre son attention sur ce terrain de la mode, où elle était initialement entrée comme créatrice. Son interrogation portera ici sur les rapports qu’entretiennent historiquement les rapports entre le ‘haut’ et le ‘bas’. Ou, de quelle manière la création emprunte (ou pille) un vocabulaire, des usages, attitudes ou climats éventuellement plus abstraits à ceux dont la condition (économique, culturelle, géographique) ne semblait pas devoir les conduire à être les sources d’autre chose qu’une seule volonté d’en rester aussi éloignés que possible (crainte, mépris, ignorance).
marie heyd
philosophe et historienne du design enseignante de l’université de strasbourg, elle consacrera son intervention au cimetière. ville funèbre, cité des ombres, architecture de la mort, cénotaphe ou mausolée, tombe et monument, pierre et stelle – loin d’être une promenade sinistre, où le jeu d’une complaisance macabre, il s’agirait avant tout de mettre en lumière (occidentale, au moins) les liens contradictoires et intimes qu’entretiennent la disparition et la matérialité construite. peut-être une touchante tentative, l’ultime résistance à la disparition.
emanuele quinz
historien et chercheur en design (paris VIII), emanuele quinz permet d’entrer de manière inédite sur les terrains foulés par les dernières avant-gardes importantes du design (presque) contemporain : celles de l’Italie du début des années 70 particulièrement. C’est à travers cette radicalité, à partir d’exemples aussi frappants et largement méconnus que l’expérience (fugage) Global Tools, que nous tenterons de tracer quelques lignes perspectives entre un contexte, une posture, un rapport à la projection dans ce design-là, et celui dont les flux traversent aujourd’hui notre monde. De quelle radicalité parlerions-nous désormais?