Dans son ouvrage « Dictionnaire de la conversation et de la lecture », M. W. Duckett décrit à grands traits le métier de coloriste auquel Madame Mantois a consacré sa vie.

M. W. Duckett (direction), Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous…, Tome Huitième, Paris, Comptoirs de la direction, 1854
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« Plusieurs manuscrits du moyen âge nous montrent qu'à cette époque l'enluminure unissait le mérite de l'invention à celui de l'exécution. C'était alors un art employé surtout pour l’illustration des livres de sainteté. Aujourd'hui ce n'est plus qu'un métier, dont l'objet est de donner à la gravure, à la lithographie, la couleur dont elles sont dépourvues. Ses produits font les délices des petits enfants, de la plupart de nos paysans, des habitués de cabaret; c'est là, dans la salle humide et enfumée d'un bouge infect, que les buveurs interrompent quelquefois leurs libations par de judicieuses et artistiques observations sur le saint Jérôme pendu à la muraille , et qui a du gros rouge brique à la culotte et du bleu indigo sur sa casaque , le tout bonne mesure et sans atténuation ni dégradation sur les lignes de contour. Chacun connaît la coloration des cartes d'un jeu de piquet; c'est l'archétype de l'enluminure proprement dite. Mais depuis les progrès qu'a faits la lithographie , il s'est établi une branche plus relevée, qui, avec quelques prétentions artistiques , s'est donné le nom de coloriage. De jeunes personnes, plus ou moins initiées aux arts du dessin, douées d'un certain goût et d'une grande légèreté dans les doigts, se sont faites enlumineuses, tout en repoussant ce titre pour prendre celui de coloristes. A elles d'interpréter les fines créations de Granville, de Gavarni; d'ajouter un nouveau prix aux belles publications iconographiques sur l'histoire naturelle, l'anatomie, l'ethnographie, etc. Dans leur domaine rentrent aussi les caricatures, gravures de modes, etc. Pour le coloriage, il faut que la gravure soit fine et très légère; il faut que les contours soient plutôt indiqués seulement que tranchés : alors , sous les doigts délicats de la coloriste (car ce sont des femmes qui font ordinairement les ouvrages courants), les teintes de la couleur se fondent, se marient avec le trait de la gravure, et souvent on ne pourrait, sans y regarder de près , s'assurer que des couleurs si bien fondues, si bien nuancées, dégradées, n'appartiennent pas à une aquarelle véritable. Les produits de la lithographie se prêtent en général beaucoup mieux que ceux d'aucun genre de gravure au procédé du coloriage. Dans ces deux sortes d'enluminures, les couleurs doivent être assez transparentes pour laisser voir le travail de la gravure. On les prépare à l'eau légèrement gommée , et on les applique à l'aide de petits pinceaux de blaireau. Presque toujours la gravure que l'on veut enluminer doit-être soumise à un léger encollage qui donne au papier la consistance nécessaire. »