Traité complet de l’anatomie
de l’Homme

 Jean-Marc Bourgery & Nicolas-Henri Jacob 

1861 – Dernière adresse connue de Madame Mantois

La dernière mention que nous avons trouvée, relative à Madame Mantois et à l’exercice de son métier de coloriste, est une note de bas de page dans l’ouvrage de l’artiste Borromée sur la régénération de la peinture à fresque. Il indique que l’on peut acheter un blanc de zinc « très-bien préparé par Mme Mantois, rue Furtenberg, 7 ».
Nous supposons qu’à cette adresse, cette dernière a adossé à son atelier une sorte de petit comptoir où l’on pouvait faire l’acquisition des couleurs qu’elle préparait.

Borromée, Régénération de la peinture à fresque, Paris, Librairie de Firmin Didot Frères, Fils et Cie., 1861
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1854 – Le métier de coloriste

Dans son ouvrage « Dictionnaire de la conversation et de la lecture », M. W. Duckett décrit à grands traits le métier de coloriste auquel Madame Mantois a consacré sa vie.

M. W. Duckett (direction), Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous…, Tome Huitième, Paris, Comptoirs de la direction, 1854
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« Plusieurs manuscrits du moyen âge nous montrent qu'à cette époque l'enluminure unissait le mérite de l'invention à celui de l'exécution. C'était alors un art employé surtout pour l’illustration des livres de sainteté. Aujourd'hui ce n'est plus qu'un métier, dont l'objet est de donner à la gravure, à la lithographie, la couleur dont elles sont dépourvues. Ses produits font les délices des petits enfants, de la plupart de nos paysans, des habitués de cabaret; c'est là, dans la salle humide et enfumée d'un bouge infect, que les buveurs interrompent quelquefois leurs libations par de judicieuses et artistiques observations sur le saint Jérôme pendu à la muraille , et qui a du gros rouge brique à la culotte et du bleu indigo sur sa casaque , le tout bonne mesure et sans atténuation ni dégradation sur les lignes de contour. Chacun connaît la coloration des cartes d'un jeu de piquet; c'est l'archétype de l'enluminure proprement dite. Mais depuis les progrès qu'a faits la lithographie , il s'est établi une branche plus relevée, qui, avec quelques prétentions artistiques , s'est donné le nom de coloriage. De jeunes personnes, plus ou moins initiées aux arts du dessin, douées d'un certain goût et d'une grande légèreté dans les doigts, se sont faites enlumineuses, tout en repoussant ce titre pour prendre celui de coloristes. A elles d'interpréter les fines créations de Granville, de Gavarni; d'ajouter un nouveau prix aux belles publications iconographiques sur l'histoire naturelle, l'anatomie, l'ethnographie, etc. Dans leur domaine rentrent aussi les caricatures, gravures de modes, etc. Pour le coloriage, il faut que la gravure soit fine et très légère; il faut que les contours soient plutôt indiqués seulement que tranchés : alors , sous les doigts délicats de la coloriste (car ce sont des femmes qui font ordinairement les ouvrages courants), les teintes de la couleur se fondent, se marient avec le trait de la gravure, et souvent on ne pourrait, sans y regarder de près , s'assurer que des couleurs si bien fondues, si bien nuancées, dégradées, n'appartiennent pas à une aquarelle véritable. Les produits de la lithographie se prêtent en général beaucoup mieux que ceux d'aucun genre de gravure au procédé du coloriage. Dans ces deux sortes d'enluminures, les couleurs doivent être assez transparentes pour laisser voir le travail de la gravure. On les prépare à l'eau légèrement gommée , et on les applique à l'aide de petits pinceaux de blaireau. Presque toujours la gravure que l'on veut enluminer doit-être soumise à un léger encollage qui donne au papier la consistance nécessaire. »

1854 – Participation de Madame Mantois à l’Exposition Universelle de Paris

Charles-Joseph-Nicolas Robin, dans son « Histoire illustrée de l’exposition universelle », raconte ses déambulations dans les travées de l’exposition de 1854. Il décrit ainsi le travail d’Élisa Mantois présenté par l’éditeur M. Victor Masson : « Çà et là le regard s’accroche à des planches d’anatomie ; mais la chair, caressée par le pinceau de Madame Mantois, loin d’effaroucher la sensibilité du visiteur, lui tend un appât de nuances roses et fraîche qui sollicitent son analyse.»

Charles-Joseph-Nicolas Robin, Histoire illustrée de l’exposition universelle, Paris, Furne, 1855
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

1852 – Application faite par Madame Mantois, du blanc de zinc à la peinture

Le 16 juin 1852, Alphonse Chevalier fait un nouveau rapport au nom du comité des arts chimiques sur le travail de Madame Mantois. Il y présente ses recherches à propos du blanc de zinc, et détaille les « résultats qu’elle a obtenus des applications du blanc de zinc à l'aquarelle , la gouache , la peinture à l’huile, enfin à la préparation des crayons, applications qui, à l'exception d'une seule, n’avaient pas été faites jusqu’ici ». Les recherches de Madame Mantois sont motivées par la conservation des objets d’art : le blanc de plomb majoritaire utilisé alors perd de l’harmonie et s’altère avec le temps en passant du blanc au gris. La volonté de Madame Mantois est également de soustraire les artistes aux dangers qui résultent de l’emploi du blanc de plomb, hautement toxique.

« Madame Mantois, qui à la fin de 1849 vous a fait connaître les applications qu'elle avait faites du blanc de zinc pour colorier les dessins d'anatomie, les fleurs, etc., a continué ses études sur l'application de cet oxyde et sur les moyens à mettre en pratique pour l'approprier et le rendre convenable à la gouache et à la peinture à l'huile. Madame Mantois a tenté de faire pour la partie artistique ce que M. Leclaire a réalisé pour la peinture en général, c'est à-dire qu'elle a pour but de faire substituer, dans la peinture artistique, le blanc de zinc au blanc de plomb.

Elle vous a adressé, avec sa lettre,
1° Un pastel exécuté au blanc de zinc ;
2° Une gouache exécutée en partie avec le blanc de zinc, en partie avec le
blanc de plomb ;
3° Une peinture à l'huile exécutée de même en partie avec le blanc de
zinc et en partie avec le blanc d'argent.

Ces objets ont été exposés à l'action de l'acide sulfhydrique, et, comme cela devait être, le pastel a parfaitement conservé sa couleur blanche ; la gouache a bruni sur la partie « teintée » avec le blanc de plomb , elle n'a pas bougé sur la partie teintée avec le blanc de zinc ; il en a été de même avec la peinture à l'huile, la partie exécutée avec le blanc de plomb est brune, celle avec le blanc de zinc a conservé sa couleur primitive.

Des peintres auxquels madame Mantois a soumis le blanc de zinc qu'elle
prépare pour la peinture en ont fait usage, et par des lettres ils font connaître le parti qu'ils ont tiré de son application. »

Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Volume 51, Paris, Madame Veuve Bouchard-Huzard, 1852
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1852 – Participation de Madame Mantois à l’Exposition Universelle de Londres

Dans l’Annuaire général du commerce de 1854, Madame Mantois cite son admission à l’Exposition Universelle de Londres en 1852 « pour la préparation du blanc ».

Annuaire général du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration : ou almanach des 500 000 adresses, Paris, Firmin Didot Frères, 1854
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

1851 – Articles de Madame Mantois : « Recherches historiques sur le coloris »

De mars 1851 à décembre 1851, Madame Mantois publie dans les « Annales de l’imprimerie » une série d’articles historiques qui témoigne de ses recherches sur le métier de coloriste. Elle y analyse dans le détail de nombreuses publications antérieures. Elle porte un regard d’experte, pratique et esthétique et parfois très critique, sur les techniques employées : du coloriage au pochoir des premières cartes à jouer au grand ouvrage d’Histoire naturelle de Buffon publié en 1770.

Dans l’article du mois de décembre, elle cite les propos de ce dernier :
« Malgré quelques imperfections que représente le coloris, il est de beaucoup plus explicite que le noir ; le coloris est utile dans toutes les parties de l’histoire naturelle, mais il est certain que pour les oiseaux, la coloration est aussi nécessaire que la forme, et d’autant plus indispensable, que c’est à de légers changements de couleur qu’on reconnaît l’âge et le sexe d’un animal. Ce seul ouvrage, dit encore Buffon, a constamment occupé 80 personnes pendant cinq années de publication. »
Comme l’écrit Madame Mantois, « Ce chiffre de mains employées pour un seul ouvrage doit démontrer combien de personnes sont occupées dans cette utile profession. »

Jules Desportes (direction), Annales de l’imprimerie, Journal spécial de la typographie, de la lithographie, de la taille-douce, de la photographie…, Paris, 1852
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

1850 – Médaille d’argent pour Madame Mantois

« Dans sa séance générale du mercredi 5 juin 1850, la Société d’encouragement pour l’industrie nationale a décerné une médaille d’argent à Madame Élisa Mantois, pour le coloriage des dessins, principalement d’anatomie, et pour l’application du blanc de zinc à l’aquarelle. »

M. Alphonse Chevalier est chargé du rapport au comité des arts chimiques sur les dessins coloriés d’anatomie de Madame Mantois.

Ce rapport riche d’enseignements présente le métier de coloriste, les recherches et les différents apports de Madame Mantois quant aux techniques d’enluminure appliquées en particulier aux sujets anatomiques et à la préparation du blanc de zinc dont elle a contribué à répandre l’usage.

« Madame Mantois a consacré une partie de son temps à étudier les ouvrages qui traitent de son art, à suivre les cours faits par Monsieur Michel-Eugène Chevreul, à étudier les couleurs, leur fixité, les changements qu’elles éprouvent par le contact de l’air, de la lumière ; elle acquit ainsi, par l’étude et l’observation, des connaissances profondes qu’elle appliqua et qu’elle propagea chez les ouvrières d’un atelier qu’elle a élevé et dans lequel on trouve des femmes qu’elle emploie depuis vingt-deux ans. »

M. A. Chevalier détaille également comment Madame Mantois a procédé pour mettre en couleur les planches du « Traité complet de l’anatomie de l’Homme ».

« Alors Madame Mantois, surmontant le dégoût qu’inspire, en général, à la femme la vue des débris de nos organes, alla étudier sur la nature les objets dont elle devait reproduire les couleurs. C’est en étudiant ainsi qu’elle est parvenue à donner à la reproduction des organes ce cachet de vérité qui caractérise les planches coloriées du grand ouvrage d’anatomie dont vous avez eu un spécimen sous les yeux, en même temps que celui d’ouvrages publiés antérieurement. »

M. A. Chevalier expose enfin les études de Madame Mantois relatives au blanc de zinc, à ses qualités et à ses usages.

« Ce blanc est fixe, il s’emploie avec facilité, il se superpose sur les couleurs qui peuvent se sulfurer, il les maintient dans leur état normal.
Le blanc, dans le plus grand nombre de cas, devant représenter des saillies pour passer du blanc au noir, il en résulte que souvent, au lieu d’obtenir des saillies, on obtient des anfractuosités, ce qui détruit l’effet du coloris. Le blanc de zinc ne présente pas ses inconvénients. »

M. Alphonse Chevallier, au nom du comité des arts chimiques, Société pour l’encouragement de l’industrie nationale, Rapport sur les dessins coloriés d’anatomie de Madame Élisa Mantois, Paris, Imprimerie de Madame Veuve Bouchard-Huzard, 1850
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

1850 – Participation de Madame Mantois à l’Exposition Universelle

Dans l’Annuaire général du commerce de 1854, Madame Mantois cite son admission à l’Exposition Universelle de 1850 « pour le coloris ».

Annuaire général du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration : ou almanach des 500 000 adresses, Paris, Firmin Didot Frères, 1854
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

1849 – Médaille de bronze pour Madame Mantois

Cinq ans plus tard, dans le catalogue des produits admis à l’Exposition quinquennale de 1849, le jury décerne une médaille de bronze à Madame Élisa Mantois et loue son remarquable travail d’enluminure en ces termes :
« Depuis vingt ans , Mme Mantois s'occupe du coloriage des belles planches anatomiques de MM. Bourgery et Jacob. Le tableau qu'elle a soumis cette année comme échantillon des perfectionnements apportés à son industrie lui a valu, de la part du jury, des éloges sous plus d'un rapport. En effet, Mme Mantois est arrivée à une perfection de coloris et de vérité remarquable par l'heureuse combinaison de ses couleurs, qui conservent néanmoins une fixité durable, ainsi que le prouvent d'autres pièces provenant de l'exposition de 1844. qu'elle a eu soin de placer en regard de ses nouveaux produits , comme terme de comparaison. L'habile emploi qu'elle fait d'un nouveau blanc, pour retracer les nombreux filets
nerveux qui figurent sur sa pièce , donne un nouveau relief à ce chef d'oeuvre iconographique. Tout en perfectionnant ses moyens de reproduction, Mme Mantois est encore arrivée à en diminuer singulièrement les prix, et le jury lui accorde la médaille de bronze. »

Rapport du jury central sur les produits de l’agriculture et de l’industrie exposés en 1849, tome III, Paris : Imprimerie nationale, 1850, t. III, 545
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1844 – Citation favorable pour Madame Mantois

Le jury de l’exposition quinquennale de 1844 décerne une nouvelle citation favorable à Madame Élisa Mantois pour ses talents de coloriste : « Le coloris appliqué aux planches anatomiques est d’un heureux emploi, en ce qu’il constitue un perfectionnement réel de l’iconographie, sans augmenter considérablement le prix de ce genre d’ouvrage.
Le talent de Madame Mantois dans ces sortes de travaux mérite d’être cité favorablement.»

Rapport du jury central, Exposition des produits de l’industrie française en 1844, Paris, Imprimerie de Fain et Rhunot, 1844, t. 3
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France