Les dates clefs du projet éditorial

De l'édition Delaunay à l'édition Guérin, un projet éditorial développé entre 1831 et 1871

Le projet éditorial du livre monumental de Bourgery et Jacob, Traité complet de l'anatomie de l'Homme s’est poursuivi durant quarante années.
À la première publication de l’ouvrage par C.-.A. Delaunay de 1831 à 1854, a succédé une nouvelle édition enrichie, par Louis Guérin de 1867 à 1871.

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© Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU)

Les dates clefs du projet éditorial

Ce chapitre reconstitue la chronologie des différentes éditions et versions de l’atlas  de Jean-Marc Bourgery et de Nicolas-Henri Jacob, le Traité complet de l'anatomie de l'Homme. Chaque date clef est commentée et illustrée par un document de référence. 

Le modèle de production de cet atlas est basé sur une publication en continu par livraisons successives : les souscripteurs contribuent ainsi à l’économie du projet en finançant mois après mois sa réalisation. 
On peut observer que l’ambition de ce livre n’a cessé de croître. Ainsi, dans les encarts publicitaires successifs publiés dans la presse, le nombre de livraisons promises a évolué de 50 à 100.

1845 – Présentation de l’abrégé et de son public

Dans cet almanach de médecine publié par la librairie médicale et scientifique Fortin Masson et Cie, on peut lire le détail des différents publics auxquels ambitionne de s’adresser l’abrégé d’anatomie de Bourgery et Jacob.

« Anatomie élémentaire en 20 planches, format grand colombier, représentant chacune un sujet dans son entier, à la proportion de demi-nature, avec un texte explicatif à part, format in-8°, formant un Manuel complet d’anatomie physiologique ; ouvrage utile aux médecins, étudiants en médecine, peintres, statuaires et à toutes les personnes qui désirent acquérir avec promptitude la connaissance précise de l’organisation du corps humain. »

Almanach général de médecine pour la ville de Paris, Paris : de Fortin Masson et Cie, 1845
Open Knowkedge Commons and Havard Medical School

1848 – Présentation de l’abrégé et de son public

Dans ce guide pratique destiné aux étudiants en médecine, Edmond Langlebert évoque à son tour les publics concernés par cet abrégé et insiste sur le fait que les différentes planches peuvent être affichées indépendamment, autant pour leurs qualités esthétiques que didactiques.

« Anatomie élémentaire en 20 planches, format grand-colombier, représentant chacune un sujet dans son entier, à la proportion de demi-nature. Planches fort élégantes, utiles pour orner le cabinet d’un anatomiste, ou la chambre d’un étudiant. »

Edmond Langlebert, Guide pratique et méthodologique de l’étudiant en médecine, Paris : Jules Masson, 1848
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

L’abrégé a été publié, comme le traité complet, à la fois en noir et en couleur

Vous pouvez feuilleter ci-dessous, trois planches de l’abrégé « Anatomie élémentaire en vingt planches demi-nature » dans leur version noire et dans leur version couleur, confiées par la Bibliothèque interuniversitaire de santé à Paris.

Jean-Marc Bourgery, Nicolas-Henri Jacob, Anatomie élémentaire en vingt planches demi-nature, Paris, Crochard et Cie., 1842, Paris : Jules Masson, 1848
© Bibliothèque interuniversitaire de santé, Paris

1854 – Publication du tome VIII de l’atlas

Le « Traité complet de l’anatomie de l’Homme » de Jean-Marc Bourgery et Nicolas-Henri Jacob est un monument de l’anatomie illustrée du XIXe siècle. Bien que Jean-Marc Bourgery ait signé le discours préliminaire du huitième et dernier tome, cet ensemble éditorial a été achevé après sa mort, survenue en 1849. D’une ambition démesurée, l’ouvrage avait consommé toute l’énergie de cet illustre anatomiste. Dans ce texte, qui résonne comme un testament, il se désole de n’être pas suffisamment reconnu, alors qu’il a consacré son œuvre et toute son existence au service de la Science et de l’Humanité.

(…)
« Et maintenant, sur le point de terminer mon travail donc je possède tous les matériaux, rapprochant ce que j’ai fait de ce que je m’étais proposé de faire, puisse le public reconnaître que je n’ai pas failli à ma tâche comme la fortune a menti aux succès qu’un homme supérieur m’en avait prédits. Hélas ! Cuvier jugeait du cœur et de l’intelligence des autres par les siens propres. Mais tout le monde a-t-il le cœur et l’intelligence du Cuvier ! Avec lui j’ai tout perdu. Au lieu de cette heureuse carrière qui lui avait souri pour moi, qu’ai-je trouvé ? Des dégoûts, des obstacles, des intrigues, une ligne occulte de répulsions tenace. Depuis 20 ans que je travaille sans relâche, je n’ai pas à me reprocher de ne m’être point aidé moi-même. J’ai fait tout ce qui était honorable pour arriver à quelque chose. Je me suis produit partout où je l’ai pu. Mais c’est en vain. J’ai vu passer tout le monde devant moi, et ceux qui avaient quelques droits et ce surtout qui n’en avait pas. Ayant tant à dire sur une science que j’avais tant travaillée, il me semblait qu’il devait y avoir place pour moi quelque part : mais non.
Académies, Facultés, Collèges de haut enseignement, je me suis présenté partout : partout où il y en avait toujours d’autres à produire. Deux faits résument tout : aujourd’hui, après vingt ans, je ne suis rien et je n’attends plus rien ; mon nom même n’est cité dans aucun des livres modernes, quoique beaucoup d’entre soient faits avec le mien. J’en ai fini de cette révélation singulière : c’est le cri de vingt ans d’oppression qui m’échappe. Aussi bien je donne mon exemple à fuir, s’il se trouvait quelque imprudent prêt à se laisser séduire, comme je l’ai fait, par un amour inconsidéré de la science. Au moins il apprendrait de moi que le travail consciencieux ne mène à rien. Qu’on me pardonne cette plainte ! C’est la première, ce sera aussi la dernière. Je reprends. »
(…)

Le tome VIII associe les signatures des plus grands scientifiques

Le tome VIII de l'atlas est particulier car il associe un grand nombre de signatures en plus de Bourgery et Jacob. Certaines des sommités scientifiques citées ont été appelés afin de partager leur expertise reconnue dans un domaine particulier, pour d'autres dont les contributions restent somme toute très mineures : une dissection de lapin pour Claude Bernard, ou un moulage de crâne de baleine pour Dumoutier par exemple, elles semblent plutôt présentes pour ce que leurs noms peut apporter à la notoriété de l'ouvrage. L’objectif est de démontrer que l’entreprise a impliqué un nombre impressionnant de savants français de cette seconde moitié du XIXe siècle.
Il faut avoir à l'esprit que ce dernier tome a été achevé après la mort de Bourgery, il a sans doute nécessité un comité éditorial élargi au-delà des deux auteurs initiaux de l'atlas.

Cette dimension publicitaire est totalement assumée pour la réédition de l’ouvrage par Louis Guérin, sur la page de titre figure comme coauteur Claude Bernard et sont cités les noms des savants suivants sur chacun des tomes de l'atlas : « Ludovic Hirschfeld, Gerbe, Léveillé, Roussin, Leroux, Dumoutier, etc. ».

1867-1871 – Réédition par L. Guérin du « Traité complet de l’anatomie de l’Homme »

Jean-Marc Bourgery, Claude Bernard et Nicolas-Henri Jacob, « Traité complet de l'anatomie de l'Homme comprenant l’anatomie chirurgicale et la médecine opératoire », Paris, L. Guérin et Cie., 1867-1871, 8 vol.

Cette nouvelle édition de l’atlas est enrichie de textes et de planches supplémentaires comme le détaille cet encart publicitaire.

Journal général de l'imprimerie et de la librairie, Paris, Cercle de l’imprimerie, de la librairie et de la papeterie, 1868
Numérisé par Google

1867 – Présentation des suppléments au Traité

L’édition Guérin du « Traité complet de l’anatomie de l’homme » est mis en vente comme un ensemble de huit tomes de textes généraux et de huit atlas d’environ 800 planches lithographiées accompagnées d’un texte explicatif en regard. Seuls les suppléments qui témoignent des évolutions des techniques opératoires sont mises en vente sous forme de « livraisons » : une vingtaine sont annoncées dans le Journal général de l’imprimerie et de la librairie, imprimées chez Lainé et Havard.

Journal général de l'imprimerie et de la librairie, Paris : cercle de l’imprimerie, de la librairie et de la papeterie, 1867
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

1869 – Analyse critique du volume additionnel de Médecine opératoire

Ce volume additionnel signé par le Docteur Duchaussoy est illustré par Edmond Pochet.
A. Dechambre, dans la « Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie », analyse la difficulté de la tâche à laquelle s’est attelé le Docteur Duchaussoy, à savoir « exposer clairement, avec méthode et concision des opérations qui , depuis peu de temps seulement, ont été réglementées au point de vue de l’art opératoire ». En revanche il critique certains des partis pris artistiques adoptés par Edmond Pochet, en jugeant comme trop « crues » certaines représentations des opérations. Nous proposons d’observer ci-dessous deux des planches incriminées qui s’écartent il est vrai de l’élégance et du raffinement propres aux planches dessinées d’après nature par ou sous la direction de Nicolas-Henri Jacob.

(…)
Depuis la publication du magnifique Traité de l'anatomie, dont il serait inutile de rappeler le succès, les progrès nombreux et importants de la chirurgie ont rendu tout à fait insuffisantes la partie consacrée à la médecine opératoire.
C'était donc une bonne pensée, dont le succès semblait assuré à l'avance, que de combler les lacunes de cette œuvre. Tel a dû être le but de l'éditeur en instituant la publication de suppléments qui renfermeront en quelque sorte l'histoire des progrès récents de la médecine opératoire.
Le plan adopté dans les suppléments et la continuation de celui qui existait dans les traités précédents ; c'est-à-dire qu'une livraison comprend un texte général et des planches avec texte explicatif. Ce sont là différents points que nous envisagerons à part.
Le texte général, écrit par le docteur Duchaussoy, est la partie dogmatique, celle qui sert de base à la publication de la classe. Elle offrait, dans l'exécution, certaines difficultés, mais aussi devait constituer la partie la plus originale. Ce n'est pas chose très–aisée que d'exposer clairement, avec méthode et concision des opérations qui, depuis peu de temps seulement, ont été réglementées au point de vue de l'art opératoire. De plus, au milieu des modifications opératoires de détails qui, suivant les inventeurs, mériteraient de constituer autant de procédés nouveaux, il faut de la sagacité, de l'esprit critique, pour condenser en un nombre restreint les sujets d'exposition. D'ailleurs cette simplification et l'indice des progrès réellement accomplis et peut leur servir de mesure.
(…)
Nous nous arrêtons peu sur l'exécution matérielle des planches ; reconnaissant que les instruments sont fidèlement représentés, nous adresserons quelques critiques à la partie artistique de l'ouvrage. Les planches qui représentent les opérations pour les fistules vaginales, les restaurations périnéales, laissent à désirer, et, qu'on nous passe l'expression, sont trop crues. Il était à peu près impossible dans ces cas de faire des dessins d'après nature, conservant le haut mérite d'originalité des planches de Bourgery et Jacob ; aussi retrouve-t-on dans ces figures des analogies par trop directes avec celles qui ont été publiées dans les divers travaux sur la matière. La plupart de ces figures sont schématiques, mais elles représentent clairement les temps si difficile à suivre dans le cours d'une opération, ce qui est le point le plus important.
Pour les planches qui représentent les diverses positions de la femme dans les opérations, on était en droit d'attendre mieux d'une telle publication. Nous souhaitons qu'à l'avenir la direction du chirurgien démontre d'une manière plus efficace son influence dans ces détails secondaires qui donnent à des figures, fussent-elles même demi-schématiques, ce cachet de vérité qui est la parure des planches de médecine opératoire. Pour ne pas être injuste, nous ajouterons que les planches XV à XVII, qui représentent les étranglements internes, et sont en avance sur le texte, prouvent suffisamment que les défauts que nous avons signalés tiennent à la difficulté du sujet, et que le dessinateur s'efforcera d'élever les suppléments à la hauteur de l'œuvre primitive.
(…)

A. Dechambre, Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, Paris : Victor Masson et fils, 1869
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Planches II et V du supplément au Traité complet de l’anatomie de l’Homme comprenant l'anatomie chirurgicale et la médecine opératoire, Paris, L. Guérin et Cie., 1867-1871, 8 vol.
© Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU)