Mettre l’anatomie humaine à portée du plus grand
nombre, donner à voir et à comprendre le corps
humain afin d’apprendre à mieux le respecter, telle
est l’ambition revendiquée de cette exposition, conçue
et développée par la fondation médicale chinoise
Anatomical Sciences & Technologies de Hong Kong.
Cette exposition présente des corps humains réels
conservés selon un procédé connu sous le nom
d’imprégnation polymérique, qui substitue aux liquides
et aux graisses du corps des résines plastiques. Cette
manifestation, par les questions, voire la polémique
qu’elle soulève, a sa place dans la cartographie des
objets didactiques présentés à La Chaufferie.
Strasbourg, le 17 octobre 2008.
Rencontre avec le docteur Jean-Marie Le Minor,
enseignant d’anatomie à la faculté de Médecine
de Strasbourg et radiologue.
Un des problèmes de beaucoup de ces expositions
est le manque d’information sur l’origine des corps.
Qui sont les donateurs ? Pourquoi ont-ils donné leur
corps ? L’ont-ils fait en toute connaissance de cause
et en toute liberté ?
Cela nécessite du côté du concepteur de s’assurer
que tous les aspects éthiques soient respectés, et
de communiquer sur ces points. Un deuxième point
concerne la préparation des visiteurs à ce qu’ils vont
découvrir, par une réflexion sur le corps humain, sur
le respect de l’image individuelle. Il faut qu’ils aient
un bagage suffisant pour comprendre ce qu’ils voient.
Que les gens viennent par voyeurisme au départ,
c’est humain.
Simplement, il faut leur faire dépasser ce voyeurisme.
C’est la notion de respect qui importe, ces pièces
anatomiques ne sont pas des objets, cela aurait pu être
quelqu’un que nous connaissons (puisque les dons
sont anonymes). Le but ici est de montrer l’intérieur,
ce que nous avons tous en commun, et non l’enveloppe
d’un individu donné. Nous nous apercevons ainsi que
nous sommes tous faits de la même façon. Je crois
qu’il faut éduquer le regard pour qu’il y ait une certaine
admiration, car il y a une beauté du corps. Il faudrait
pouvoir expliquer aux gens ce qui est beau. S’ils viennent
voir un film d’horreur, le message n’est pas passé. Il faut
leur dire : « Regardez comme l’architecture du vivant est
belle et source d’admiration. »
Paris, le 15 septembre 2008.
Rencontre avec Pascal Bernardin, producteur
de l’exposition.
Cette exposition n’a aucune prétention à être une
exposition artistique. C’est une exposition anatomique.
Moi, je n’ai pas eu peur de dire en France :
« Une exposition anatomique de vrais corps humains ».
Parce que si vous dites « exposition anatomique »
et qu’il ne se passe rien, il faut aussi à un moment
donné que le public vienne.
D’ailleurs cela ne veut rien dire, un vrai corps humain.
Cela veut dire quoi par rapport à un faux corps humain ?
On ne fait pas de merchandising, partout dans les pays
où cette exposition est allée, ils font du merchandising,
ils font des tee-shirts. Ce n’est pas dur de faire des teeshirts,
des tee-shirts avec le logo habituel, une tête de
mort… J’ai supprimé tout ce côté merchandising.
Il y a eu cette polémique que je trouve très agressive.
On ne peut pas dire… parce que des corps ne
sont pas européens ou sont asiatiques… donc
doute… donc torture… donc non-respect des droits
de l’homme… Il faut arrêter. On peut d’ailleurs se poser
toutes les questions que l’on doit se poser, mais on ne
peut pas enchaîner des déductions aussi simplement.
À partir du moment où de tels supports pédagogiques
existent, à partir du moment ou les professeurs et
leurs élèves y ont accès, peut-on en faire un objet soit
d’art ou de culture, voire d’instruction ? Ma réponse
est oui. Lorsque j’ai vu cette exposition aux États-Unis,
j’ai trouvé cela fascinant. Je trouve que cela permet
de nous interroger sur notre corps, de nous poser
quelques questions éventuellement métaphysiques.
Quand on voit l’exposition, on n’a pas du tout la même
réaction que ceux qui en parlent, on voit bien que
ce n’est pas quelqu’un, mais quelque chose qui a pu
appartenir à quelqu’un. Les gens, pour moi, c’est autre
chose. Les gens, c’est l’âme qu’ils ont, c’est ce qu’ils
ont laissé au cours de leur vie. Il y a plein d’autres
messages qu’une dépouille, qu’un chignon qu’on
retrouve, ou qu’un corps momifié délivrent.
Peut-être que dans quinze ans ces expositions
anatomiques rejoindront les musées et qu’il existera
des protocoles précisant les conditions du don
de corps dans ce contexte.
Après avoir été présentée à La Sucrière à Lyon du 28 mai
au 3 août 2008, cette exposition se tient depuis
le 12 novembre 2008 au Palais des Arts à Marseille.

Vous pouvez écouter ici différents témoignages de visiteurs enregistrés à Lyon le 30 juillet 2008 à la sortie de l'exposition Our Body / à corps ouvert.
En quelques mots, les thèmes, les enjeux et les interrogations qu'éveillent cette exposition sont abordés :
le regard posé sur le corps, la mort, la science, le savoir, l'humanité…