Ce livre est un mélange entre reportage et dessins artistiques, nous avons eu une vraie liberté de faire le livre dont nous avions envie.
Nous sommes partis à Cuba, avec Ramón Chao, qui a signé le texte du livre, avec Antoine, son fils, qui a enregistré
le CD de musique et d’ambiances qui l’accompagne, et avec notre copine Marjorie Guigue, qui est maquettiste
et photographe.
Les Cubains se sont organisés pour nous ouvrir les
portes. On a voyagé un petit peu partout, enfin, à part
Guantanamo…
Avant mon départ, j’étais vraiment anticastriste, parce
que j’étais sous la propagande de la presse française,
comme nous tous ici. À la lire, tout va mal : les journalistes
sont emprisonnés, les gens crèvent… Mais la réalité
était un petit peu différente, une fois sur place.
Et puisque j’ai vécu en Pologne jusqu’en 1982, j’ai vu
ce que le communisme pouvait faire comme mal.
J’ai vu qu’après le communisme, avec les Américains
et le dollar… c’est parfois pire.
Du coup, je pouvais voir Cuba en état de Pologne,
il y a quarante ans. Je pouvais deviner ce qui va arriver
s’il y a un changement, si tout bascule. On devient libre,
mais dans la merde.
En Pologne, à cause de la censure, on ne pouvait pas
dessiner de politicien.
Il fallait passer par le symbole, faire un clin d’oeil au lecteur
sans dire les choses directement. C’est une bonne école.
Oui, car à chaque fois que l’on a un problème, on est obligé
d’inventer.
J’ai beaucoup dessiné sur place dans mes petits
carnets de croquis que j’ai toujours avec moi.
Pour moi, c’est un exercice. Si tu dessines dix fois
quelqu’un, après tu peux le dessiner de mémoire.
La mémoire efface tout ce qui est inutile. Mais c’est
aussi pour me documenter : j’ai pris des notes à propos
des uniformes, des bidonvilles, des palmiers…
De retour à Paris, j’ai tout redessiné. Après, nous avons
confié le texte et les images à Marjorie Guigue,
avec qui on travaille depuis des années. C’est elle qui a
mis en page le livre. Elle connaît mon style, elle s’adapte.
Elle peut couper mes dessins, ce que je n’arrive pas
à faire parce que ce sont mes dessins et que je les
défends. Elle les mélange et après, je suis d’accord ou
pas. Elle est capable de faire des choses que je n’aurais
pas osé ou pensé faire. C’est pour moi l’avantage de
travailler avec quelqu’un à qui tu peux faire confiance.
Je n’ai pas illustré le texte de Ramón Chao.
Ce sont deux Cuba différents, enfin, pas vraiment
différents puisqu’ils sont bien mélangés. Le Cuba
de Ramón et le mien.

Je n’ai pas fait un dessin de propagande, il y a plein de
dessins avec la pauvreté, avec les baraquements, comme
cela, comme on a vu. Ce n’est pas à la gloire de Cuba.
Ils sont dans la merde, mais en même temps, il y a le côté
chaleureux des Cubains, le côté chaleureux du pays,
il y a le partage, comme tout le monde est pauvre.
Il y a beaucoup de choses que je n’ai pas vues
exactement comme je les ai dessinées, il n’y a pas
de doute. Mais j’en ai vu une partie et puis j’ai imaginé
l’autre. J’en ai rajouté plus, j’ai exagéré.
Jacek Wozniak
Extraits de l’entretien réalisé le 14 septembre 2008