L’idée de ce film était d’aller à New York et d’essayer
de suivre la police à la manière de ces émissions
de
docusoap qui passent à la télévision américaine,
comme
Cops. Je voulais faire cela mélangé à de la fiction.
L’idée naît toujours d’une intuition. Je filmais sans
savoir ce que j’allais en faire. J’avais juste en tête
l’idée d’essayer de faire du cinéma, de bonnes images
comme les images des films américains, d’improviser
avec ce que je trouvais dans la rue. Je n’avais aucune
idée de la durée du film. Je ne savais pas quelle serait
l’histoire, ni la promesse, ni l’
inciting moment qui donne
à comprendre qui est le personnage principal, qui part à
l’aventure pour arriver à quel
climax et quelle résolution.
Quand on regarde
Plot Point (2007), on a l’impression
qu’il y a une histoire mais c’est surtout émotionnellement que l’on est guidé.
Plot Point, je l’ai filmé deux ans avant
de le monter. Je n’avais jamais osé le regarder avant.
Je croyais que l’idée qui traverse Plot Point était ratée.
J’ai utilisé un réglage caméra qui s’appelle
focus assist,
qui restitue à la prise de vue une image noir et blanc
avec les plans de netteté bleutés. Je ne savais pas que
les couleurs seraient aussi réussies au dérushage.
Pour la bande son j’ai remixé toutes sortes de sons,
de musiques, de voix. J’ai de grandes archives de
musique de cinéma que je retravaille, que je
mélange,
que je renverse. J’ai travaillé à 100 % la bande sonore :
les voix sont des samples que j’ai pris à d’autres films,
comme
Seven ou
Heat, ou
NYPD Blue. J’ai voulu faire
quelque chose dans lequel chaque seconde marche,
quelque chose que les gens veulent voir.
Je fais mes films pour le plus grand public possible.
Mais je les fais aussi dans la perspective d’un
artiste visuel. Je les fabrique autant pour le cinéma
que comme une peinture exposée dans un musée.
Mes films sont d’abord présentés en galerie et en
édition malheureusement limitée. Pour l’instant,
chacun de mes films se vend à cinq exemplaires à des
collectionneurs et à des musées. Dans le même temps,
j’ai le droit de les diffuser dans des festivals.
Je ne suis pas un artiste politique du tout.
Avec
Plot Point, je savais que, comme j’étais à New
York, il allait pouvoir y avoir des références comme
9/11. Pour autant, jamais pendant le tournage je n’y ai
pensé. Même si je savais que j’étais en train de faire
un thriller avec des policiers qui s’observent avec
méfiance, je voulais seulement faire un film ayant
la poésie d’un Michael Mann ou d’un David Lynch.
Pour moi, David Lynch est une grande source d’inspiration.
C’est un peu le dernier maître de cinéma qui existe
encore aujourd’hui. C’est le seul, je crois, qui
questionne encore le phénomène du cinéma. D’ailleurs
c’est clair, son dernier film
Inland Empire annonce une
nouvelle époque.
Nicolas Provost
Extraits de l’entretien réalisé le 16 septembre 2008