En février, l’atelier de Communication graphique accueillait Mathias Schweizer pour un workshop conduit à La Chaufferie, galerie d’exposition de l’école.

Créateur star, Mathias Schweizer a demandé aux Com’ graph’ de quitter leurs écrans pour revenir aux fondamentaux du graphisme – le tracé, le dessin au crayon… – de manière artisanale, lors d’un workshop express. Découpe de bois et calcination de planches sont les « nouvelles bases » ayant servi de fondations de la Platter Wald, dense forêt d’encombrants magnifiés par les étudiants.

« Je suis Suisse : il faut centrer. Comme la croix rouge de notre drapeau ! » Les élèves en 5e année de l’atelier Communication graphique s’exécutent et replacent un grand socle blanc parfaitement au milieu de l’espace d’exposition. Une rigueur d’horloger helvétique qui peut étonner au regard des travaux de Mathias Schweizer, saturés, colorés, aux motifs mous, comme le monstre chocolaté dégoulinant sur son affiche réalisée en 2007 pour Chaumont.

Formé à l’École d’art de la Chaux-de-Fonds, le créateur de Malamerde (personnage / défection marchant sur un visqueux chewing-gum) répond à de prestigieuses commandes, pour les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, le Frac des Pays de la Loire ou les Galeries Lafayette, tout en multipliant les moments de recherche. Loïc Horellou, enseignant qui l’a invité à la HEAR, est séduit par « sa démarche expérimentale et les protocoles qu’il met en place. Dans une logique de contraintes, il insuffle un grand esprit de liberté en poussant les élèves à sortir du cadre pour générer des formes et construire un récit qui se met en place petit à petit. »

L’artiste iconoclaste et les étudiants ont tout d’abord récupéré de débris de bois – planches usées, vieux tiroirs, étagères démantelées… – avant de les façonner à l’aide de scies sauteuses pour créer un paysage. Mathias Schweizer : « Avec nos outils, nous avons fait des tracés, comme sur Photoshop ! » Des lignes et des courbes dans un geste de retour vers le futur du graphisme.

Plaquées contre les murs immaculés de La Chaufferie, les planches découpées dessinent une Platter Wald, forêt plate évoquant une skyline sylvestre. Un décor de bocage et, au centre de l’espace, donc, le fameux plateau circulaire où est exposée, tel un trésor de guerre, une architecture composite faite des chutes de bois assemblées comme autant d’artefacts archaïques ou « les restes d’un pique-nique » s’amuse Loïc Horellou.

Parce que Mathias Schweizer aime à pousser les concepts à leur paroxysme, les reliques / reliquats de bois ont précédemment été brûlés au chalumeau. Le but : créer d’antiques crayons XXL – ultime recyclage – permettant de dessiner sur de grandes affiches. On remarque des formes diverses, feuillages, insectes, végétaux ou… un incongru double cheeseburger. « À ce stade, nous nous permettons d’enfreindre quelques règles » nous glisse discrètement une élève s’activant à un rythme soutenu, sur fond de musique électro.

Dernière étape : l’impression, chez Lézard Graphique, de motifs (lexique de formes / logos créé par Mathias Schweizer pour Le Signe, centre d’art dédié au design graphique de Chaumont) sur les quelque 150 dessins au fusain. Seuls cinq posters seront accrochés aux murs de La Chaufferie qui a vu croître, en quatre jours chrono, une luxuriante forêt alpine qui donne tort à Illustrator.


Emmanuel Dosda • Publié le 23 mars 2021

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