Lucienne Strivay

La pensée écologiste a mis en cause le rapport utilitaire de l’humain occidental à la nature qui définissait celle-ci comme un réservoir de ressources à la disposition de celui-là. À présent, l’humain occidental commence à se comprendre autrement lui-même : l’humain n’est plus l’autre de la nature, mais est pris, au même titre que les autres espèces, que les éléments naturels, que les phénomènes climatiques, etc. dans un complexe et mouvant réseau de relations. Il y va alors d’un nous qui n’appartient plus en propre à une espèce ou à un genre d’être, puisque désormais, les espèces et les genres d’être sont pensés comme étant constitutivement en-relation : « nous sommes co-participant.es à des réciprocités terrestres qui nous font être, devenir et mourir. » Deborah Bird Rose, 2004. « Les organismes sont des nœuds au sein du réseau ou du champ de la biosphère, où chaque être soutient avec l’autre des relations intrinsèques. » Arne Naess, 1973.
C’est à partir de là que seront reconsidérés : le concept d’anthropocène depuis sa complexité ; la pratique de la poésie écologiste et son lien à l’écologie du visuel ; la capacité créatrice du vivant en général, et non pas du seul vivant spécifique qu’est l’humain ; la façon dont la taxidermie se transforme radicalement, rejouant les liens entre arts et sciences à partir du contexte de la 6e extinction.

La manufacture des rêves. Poétique d’un savoir situé
La taxidermie a une histoire. Ses techniques, ses agencements, ses commanditaires ont considérablement évolués. Le statut et l’esprit de ses auteurs également. A l’heure de la 6^e extinctions des espèces, comment la concevoir et comment penser le brouillage qu’elle initie entre arts et sciences de la nature ? Dans quelle mesure le transfert du concept de savoirs situés (D.Haraway) aux pratiques de création « Arts situés » peut-il contribuer à préciser cette mutation ?
Lucienne Strivay est anthropologue. Elle a enseigné l’anthropologie de la nature à l’Université de Liège et à l’Université de Louvain. Elle a publié Enfants sauvages. Approches anthropologiques, Paris, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines.
Le pire ami de l’homme. Des garennes aux guerres biologiques. (avec Catherine Mougenot) Paris, La Découverte, Les empêcheurs de penser en rond. In Le castor américain et ses ouvrages de Lewis Henry Morgan (1868), Introduction à la première traduction française. Presses du réel.