La relation qu’entretient Rodolfo Faistauer avec la musique est résolument introspective. Ce jeune pianiste brésilien voit sa pratique musicale comme une façon de se connaître, de se connecter à soi. Cette approche singulière et sensible lui a permis d’étudier le piano en France à l’Académie de musique–HEAR, en Allemagne et aujourd’hui aux Etats-Unis où il prépare un doctorat.

Rodolfo Faistauer a commencé la musique à l’âge de 9 ans par pur hasard. Un piano campait dans la maison familiale, à São Leopoldo, pour que ses sœurs puissent s’entraîner. Elles arrêtent rapidement les cours et plutôt que de se débarrasser de l’instrument, le petit Rodolfo commence à y jouer. Il prend des cours particuliers , progresse et a l’opportunité, à 13 ans, de faire régulièrement des allers-retours entre chez lui et Porto Alegre, la capitale de la région, où il devient l’élève de Dirce Knijnik. Cette “grande artiste” comme il l’appelle, a eu une grande carrière, a joué à New York et en Europe dans les années 60 et a enseigné à des pianistes reconnus, dont Cristina Ortiz. “Dirce est une personne extrêmement importante pour moi ! Elle a aujourd’hui 90 ans, mais elle continue de me donner des conseils qui me sont utiles tous les jours quand je joue”, explique Rodolfo Faistauer.

Classiques viennois

Après ses années avec Dirce Knijnik, il fait la rencontre, à l’université de Porto Alegre, d’une autre pianiste qui influencera fortement sa carrière d’artiste. C’est lors d’une masterclass qu’il fait la connaissance d’Amy Lin, professeur de piano à l’Académie de musique–HEAR. Enthousiasmé par sa pédagogie, Rodolfo Faistauer reste en contact avec elle et décide de candidater au Conservatoire de Strasbourg. Admis, il devient alors l’élève d’Amy Lin. “C’était une grande expérience ! Elle parvient de manière très subtil à tirer le meilleur de chaque élève”, explique le jeune homme, “Amy Lin s’adapte à chaque étudiant car elle sait qu’on est tous différent. Elle a changé ma façon d’écouter la musique.” C’est avec elle qu’il découvre les maîtres viennois, de Schubert à Beethoven en passant par Mozart… et Artur Schnabel, interprète autrichien issu de la lignée pianistique de Beethoven.

Rodolfo commence alors ses recherches sur Schnabel pour son master à l’Académie. Il entre en contact avec une professeur basée à Munich, elle aussi disciple des maîtres viennois. L’opportunité se présente de faire une année à l’Université de Musique et des Arts de Munich, où il peut pleinement étudier le répertoire germanique. “En observant les pianistes à Munich, j’avais l’impression qu’ils parlaient leur langue maternelle quand ils jouaient Beethoven, c’était une source très authentique pour mes recherches et ma pratique du piano”, explique Rodolfo. Ce travail sur Schnabel, cet intérêt pour sa façon de jouer lui permettent de participer à un reportage sur le pianiste autrichien. “En cherchant un stage [ndlr: obligatoire pour l’obtention du master], je suis tombé sur le projet d’un pianiste allemand qui souhaitait faire un film sur Schnabel”, relate Rodolfo, “malheureusement, le projet était à ses débuts et il n’avait pas de travail pour moi, mais nous sommes restés en contact”. Un an plus tard, le pianiste allemand et son équipe de tournage l’appellent pour le faire à Berlin et participer au tournage dudit documentaire. “J’ai fait des recherches pour eux, j’ai aidé à l’organisation d’un concert et j’ai même joué le rôle du jeune Schnabel pour les besoins du film [ndlr : diffusé en février 2018 sur Arte] !”, s’amuse Rodolfo, “jamais je n’aurais pu imaginer faire ça !”

Transmission

Aujourd’hui, le jeune musicien a quitté l’Europe pour les Etats-Unis où il prépare un doctorat à la Bienen School of Music de la Northwestern University à Chicago. Il évoque un choc culturel avec le mode de vie américain. “Le rythme est très intense, les gens font plusieurs choses en même temps ! Pour quelqu’un qui avait l’habitude de se concentrer sur sa pratique du piano, ça a été un défi!” explique Rodolfo “en plus de mon apprentissage et mes recherches, je donne des cours, j’accompagne les cours de chant et d’alto, je répète avec des étudiants, j’organise des concerts, j’ai un emploi du temps rempli !”. Le choix du doctorat est intimement lié à sa véritable passion : l’enseignement et la transmission. “A terme, j’aimerais rentrer au Brésil pour enseigner le piano à l’université et pour décrocher un poste, il est conseillé d’avoir un doctorat”, explique Rodolfo. Il termine la discussion en évoquant une expérience en tant que professeur de piano au Neuhof à Strasbourg, qui l’a beaucoup marqué. “Au Conservatoire, nous étions dans notre bulle entre étudiants étrangers et musiciens… le fait d’enseigner la musique à des Français qui n’ont rien à voir avec l’école a été très enrichissant ! Je suis encore en contact avec quelques anciens élèves”, raconte le pianiste. A parier, dans quelques années, qu’un.e jeune pianiste nous parlera du professeur Faistauer comme une source d’inspiration !

Charlotte Staub

(mis en ligne le 08. 03. 2018)