Anne Mistler et Anne-Catherine Goetz, présidente et vice-présidente du conseil d’administration de la HEAR, se sont prêtées au jeu de l’interview croisée. L’origine de leur engagement pour la culture, leur vision, leurs priorités en ces périodes troublées… Découverte de deux femmes de conviction !

En quelques mots, pouvez-vous retracer votre parcours qui vous a conduit à vous consacrer à la culture aujourd’hui ?

— Anne Mistler : Mon milieu familial n’était pas environné de culture, mais je recevais toujours un livre en cadeau et nous écoutions de la musique en faisant la vaisselle. Professeur, j’ai utilisé les spectacles et expositions comme supports à mes cours. Du service éducatif des musées, puis à la Drac Alsace, Guadeloupe, et Grand Est, je suis aujourd’hui adjointe à la maire de Strasbourg en charge des arts et cultures – le pluriel étant important. Je m’attache à vouloir promouvoir les cultures, et pas la culture. Si le pluriel des arts s’entend habituellement sans difficulté, celui de cultures interroge davantage. En fait, il s’agit tout simplement de prendre en compte les droits culturels, les diverses influences culturelles de la population, les différentes formes de création y compris dans le registre dit des cultures urbaines, permettre la reconnaissance des pratiques artistiques et culturelles en amateur, très importantes dans notre ville…
— Anne-Catherine Goetz : J’ai commencé l’apprentissage du piano enfant puis de la guitare et du saxophone ténor, j’ai chanté dans la chorale paroissiale comme alto jusqu’à l’âge adulte. Baignée dans un univers musical, avec une grande fratrie où chacun jouait d’un instrument, j’ai toujours eu une appétence forte pour la musique surtout classique, qui m’a naturellement conduite vers l’art lyrique : à partir de l’âge de 20 ans j’ai commencé à me passionner pour l’opéra. Etant issue du monde de l’enseignement, j’ai toujours eu à cœur de transmettre le goût des arts et de la culture à mes élèves, notamment grâce aux équipements culturels locaux. Dès mon premier engagement en politique en 2014, je me suis vu confier des missions autour du patrimoine culturel, qui à la faveur d’un nouveau mandat débuté il y a 11 mois, ont été élargies à l’ensemble des affaires culturelles de la ville.

Quel est l’événement artistique qui a été fondateur dans votre passion pour les arts ?

— A.M. : la Tétralogie de Wagner mise en scène par Patrice Chéreau et dirigée par Pierre Boulez au festival de Bayreuth. Malheureusement pour moi seulement vue par une diffusion télévisuelle, mais ça avait été un véritable choc! Je peux ajouter le Lenz de Büchner sur la plateforme de la cathédrale de Strasbourg, ou encore les premiers concerts du festival Musica…
— A-C. G. : Il y a eu une succession de rencontres avec l’art qui ont nourri chez moi le besoin de découvrir toutes les formes d’expression artistiques existantes. Il y a néanmoins eu un événement important à l’origine de mon intérêt pour le monde de la culture : la lecture, à l’adolescence, de la pièce de théâtre Cyrano de Bergerac qui a été une sorte de révélation, à la fois pour la littérature, mais aussi le théâtre et le cinéma.

Quelles sont vos priorités dans le contexte de la crise sanitaire ?

— A.M. : Soutenir les artistes, les créateurs, tous ceux qui au sein des musées, des lieux de spectacles, des cinémas, dans l’espace public, font vivre la culture. Et permettre aux habitants, spectateurs, de retrouver le lien avec la vie culturelle.
Plusieurs types de soutien ont été mobilisés: fonds d’aide par des versements de subventions, captations et festival en ligne, aides à la reprise, soutien aux librairies, communication adaptée, achats d’œuvres auprès des artistes pour enrichir les collections des musées, gratuité des musées, programmation estivale dans les espaces publics et les parcs, achat de places de cinémas pour les écoliers à la rentrée…
— A.-C. G. : Il s’agit pour nous de soutenir les acteurs culturels, moralement mais aussi financièrement en maintenant toutes les subventions. Etre à leur écoute mais aussi les associer à la réflexion que mène la ville de Mulhouse en ce début de mandat électoral, pour élaborer ensemble la politique culturelle que nous souhaitons pour les décennies à venir sur notre territoire. Cette crise est aussi l’occasion de prendre le temps de la réflexion, faire un pas de côté et réinterroger le rôle de l’artiste et des arts dans la société, dans une ville comme Mulhouse, marquée par la pauvreté et comptant une population jeune très nombreuse.
Une autre priorité est de permettre aux acteurs culturels de notre ville de pouvoir continuer à travailler, en leur ouvrant les portes de nos équipements quand cela est permis mais aussi en investissant dans des projets communs où ils ont aussi une place, comme à Noël dernier par exemple où des artistes plasticiens ont été sollicités pour réenchanter l’espace urbain.
La priorité c’est surtout de faire comprendre à tous, que les arts et la culture sont indispensables à l’équilibre personnel et à l’épanouissement collectif.

Qu’est-ce que représente la HEAR pour votre territoire ?

— A. M. : La Haute école des arts du Rhin est un centre de formation de professionnels, d’artistes, de médiateurs , de très haut niveau. Sa tradition issue de l’Ecole des arts décoratifs et de celle du Quai a nourri les évolutions contemporaines des créateurs en devenir. La recherche de profils de plus en plus diversifiés constitue un véritable atout pour nos villes. C’est devenu un pôle incontournable de rayonnement au niveau transfrontalier, européen et international.
— A.-C. G. : Les arts visuels font partie de l’identité culturelle de notre ville depuis très longtemps. Avoir une école supérieure des Arts sur notre territoire est un élément majeur de notre paysage culturel, qui compte de très nombreux équipements, acteurs et associations culturels.
Aux côtés du Musée des Beaux-Arts, de la Kunsthalle, de Motoco, du Séchoir, et des nombreux autres collectifs et ateliers d’artistes, la HEAR s’inscrit dans un ensemble cohérent, en proposant une formation d’excellence et en étant attractive et reconnue dans le monde de l’enseignement supérieur en France. La Biennale de la jeune création européenne vient renforcer la place de la HEAR sur le territoire national et transfrontalier.

Le conseil d'administration de la HEAR

Publié le 25 mai 2021