Émilie Gleason est formelle : ses illustrations sont faites pour éveiller les consciences. AvecTed, drôle de coco, son projet de diplôme, édité et primé à Angoulême, elle signe une BD sur le syndrome d’Asperger dont l’histoire est inspirée par celle de son frère. Depuis son DNSEP Illustration en 2016, tout est allé très vite pour la jeune illustratrice : elle nous raconte tout.

Émilie Gleason rigole quand on lui parle de son passage sur la scène du festival d’Angoulême, quand elle reçoit des mains d’Augustin Trapenard (ndlr: journaliste et présentateur de l’émission Boomerang sur France Inter) le Prix Révélation. On la voit sauter de joie, pleurer de joie et livrer un discours aussi vibrant que drôle. “C’était vraiment beaucoup de pression, tout est retombé au moment où l’on a prononcé mon nom… Ça faisait 2 mois que l’on n’arrêtait pas de me dire que j’allais gagner mais je n’y croyais pas, je voulais juste que le festival se passe. Le BD marchait déjà très bien, c’était déjà super cool”, raconte Emilie Gleason.

La jeune femme a commencé la BD à 8 ans mais “c’était franchement mauvais” dit-elle, amusée. Toujours en train de dessiner, elle se dirige vers un baccalauréat littéraire option Arts plastiques, fait une année de prépa artistique et entre à la Haute école des arts du Rhin en première année. “Je voulais intégrer l’atelier de Didactique visuelle, mais avec mon style destroy, les profs m’ont dit que l’Illustration serait plus faite pour moi”.

Voyage révélateur

Alors qu’elle est encore étudiante à la HEAR, elle publie sa première BD… aux États-Unis. “J’ai été contactée via mon Tumblr par une personne des éditions 2D Cloud. Quelques mois après sortait Salz and Pfeffer.” Cette expérience Outre-Atlantique lui donne des idées de voyage : ça tombe bien, Émilie Gleason est en 4e année, l’année de la mobilité (ndlr: un semestre de l’année 4 est consacré à une mobilité : échange, projet ou stage à l’étranger). Elle organise un voyage dans le but de côtoyer la scène des illustrateurs américains et canadiens. “J’étais à Minneapolis, New York, Chicago, Toronto, j’ai fait plein de rencontres de gens connus dans le monde de la BD, c’était complètement fou ! Ce voyage a vraiment été révélateur”, raconte-t-elle.

Prendre du recul

De retour en France, c’est la dernière année à la HEAR qui commence : après plusieurs mois de tâtonnement, elle livre au dernier moment 25 pages de Ted, drôle de coco qu’elle présentera à son diplôme. Elle choisit de s’inspirer de l’histoire de son frère, atteint du syndrome d’Asperger. “C’était une période difficile pour ma famille, mes parents pleuraient beaucoup et j’étais totalement impuissante à la situation à 500 km de là… Écrire sur ce sujet m’a permis de prendre du recul et de voir la situation autrement”. Ses parents sont au courant de son projet de BD et la suivent à fond. “Ils étaient très contents du projet et fiers de moi. Je pense que cette BD a eu une effet cathartique pour tout le monde”, conclut-elle.

Depuis quelques mois, Émilie Gleason travaille aux Éditions çà et là, une petite maison d’édition indépendante qui publie des bandes dessinées étrangères. Elle s’occupe des relations avec la presse et les librairies. “En plus de m’occuper des journalistes et des libraires, j’organise aussi des événements pour les auteurs, je fais aussi de la relecture et du lettrage, c’est vraiment enrichissant et ça m’apporte beaucoup de contacts”, explique la jeune femme.

Faire réfléchir

À côté de son travail, Émilie Gleason dessine aussi pour la presse. Elle croque l’actualité pour Causette, Libération, XXI ou Trois Couleurs.“Le dessin de presse est très intéressant car il permet de faire passer des messages importants. J’ai envie de faire réfléchir le lecteur. La pure fiction ne m’intéresse pas, je veux éveiller les consciences”, poursuit-elle. Elle a publié 2 albums en 2018, Comment survivre (éditions Lapin) dans lequel elle répond avec beaucoup d’humour à toutes sortes de questions plus ou moins existentielles et Les gros bras de Polka (éditions Biscoto — fondées par des anciennes de la HEAR) sur l’importance de s’aimer tel qu’on est. Elle a actuellement sur le feu un projet de BD sur les lobbies du sucre…

Comme à chaque fin d’entretien, on tente de glaner des conseils pour les étudiants actuels. La jeune illustratrice est claire : si tu veux réussir dans ce milieu, il ne faut jamais t’en éloigner. “Même si tu fais un job alimentaire, ça doit être par rapport à l’illu. Il faut se battre et prouver sa place. Un jour, j’avais entendu un auteur qui disait qu’il fallait s’accrocher pendant au moins 10 ans pour voir le travail payer”, conclut Émilie Gleason.

Charlotte Staub


— Baccalauréat littéraire option arts plastiques
— Année préparatoire à l’Atelier de Sèvres (Paris)
— DNA et DNSEP en Illustration à la HEAR


Le site d'Emilie Gleason
Son carnet de voyage en Amérique du Nord
Ted, drôle de coco aux éditions Atrabile