Entretiens
Zoé Inch
Comment avez-vous abordé le suivi pédagogique à distance ?
Comme beaucoup, j’ai essayé de maintenir mes horaires de cours habituels pour établir des repères à distance avec un maximum d’étudiants et une variation de moyens d’échange (email, plateformes, téléphone).
Les étudiants ont dû devenir plus autonome et mon rôle consistait à les guider, les soutenir, valoriser et renforcer ce travail fait indépendamment et dans des nouvelles circonstances. Le réflexe de reproduire le cours à l’école en virtuel était fort, mais j’ai rapidement compris l’importance de l’écoute pour s’adapter ensemble aux besoins spécifiques et variés.
Dans quel état d’esprit étaient vos étudiants ?
Les étudiants ont des ressentis et des vécus très divers et ils étaient conscients et inquiets de certains écarts entre eux. Au début, beaucoup avaient des difficultés à gérer la quantité et la nouvelle nature des consignes venant des enseignants. Tous avaient besoin d’un temps d’adaptation. La possibilité de parler de leurs inquiétudes a permis la discussion régulière apportant un certain soulagement et parfois une mise en place d’entraides.
Petit à petit, les étudiants semblent prendre conscience d’une nouvelle façon de travailler et de construire une organisation de leur temps qui va les aider par la suite lorsqu’ils retourneront physiquement dans les ateliers.
Quels enseignements tirez-vous de cette période ?
La confirmation de la nécessité d’une écoute toujours bienveillante et la possibilité pour les étudiants d’exprimer leurs questionnements ouvertement. Le besoin des étudiants de reconnaitre l’organisation de leur travail et de valoriser leur propre position dans leur recherche. La compréhension renforcée chez les étudiants de l’importance du processus et de la mise en place d’une méthodologie convenable pour référencer leur recherche.
Il semble qu’il sera nécessaire de solliciter les témoignages des étudiants ainsi que de faire un débriefing en profondeur à la fin de cette première phase de crise sanitaire. Ceci afin de constater les meilleurs moyens d’échange à distance, repérer les besoins à prioriser par les étudiants, imaginer des formes pédagogiques hybrides éventuelles dans le cadre de consignes de distanciation qui perdurent.
Nicolas Moutier
Comment avez-vous abordé le suivi pédagogique à distance ?
Il s’est agi de trouver d’autres moyens de travailler, de progresser. J’ai rapidement essayé de faire des cours via WhatsApp ou Skype. La qualité du son n’étant pas toujours au rendez-vous les étudiants sont également incités à faire des vidéos qu’ils m’envoient et que je commente avec eux. Afin de les stimuler, j’essaie de monter régulièrement avec eux des mini-projets.
Ainsi les étudiants travaillent depuis quelques temps sur un concert que nous devions donner le 31 mai à la Cité de la musique et de la danse. Le concert ne pouvant se tenir, chacun a donc enregistré sa partition en respectant un tempo. Les vidéos ont été regroupées en une seule et même vidéo reproduisant le concert que l’on était appelé à jouer (regarder la vidéo).
Dans quel état d’esprit étaient vos étudiants ?
Leur futur professionnel en tant qu’artiste, à fortiori musicien-intermittent les inquiète. Avant que les choses ne soient arrêtées, il y avait également l’angoisse des concerts-examens pour les diplômants. Mon rôle est également de les rassurer.
Quels enseignements tirez-vous de cette période ?
Plus que jamais je m’aperçois que nous avons un métier à part où le télétravail est difficilement applicable. Je suis également musicien à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et même dans ces grandes institutions tout peut s’arrêter d’un coup. C’est tout de même intéressant de devoir se réinventer, de se questionner sur les moyens de faire vivre cet art, par les médias, par les réseaux sociaux.
Le site de Nicolas Moutier
Olivier-Marc Nadel
Comment avez-vous abordé le suivi pédagogique à distance ?
De deux façons : en suivant les étudiants par Discord ou par mail de façon régulière avec des rendez-vous dédiés, en croisant des outils numériques et en inventant de nouveaux protocoles.
Par exemple, l’atelier de Didactique Visuelle a mis en place un cours de dessin de presse sur Jamboard croisé avec Discord qui s’avère être très efficace. La dynamique de groupe est au rendez-vous. Chacun travaille en temps réel sur son board avec les thématiques de l’actualité internationale tout en échangeant avec les enseignants. Tous les tableaux sont « ouverts » et permettent de circuler virtuellement pour observer le travail des autres, c’est redoutable et stimulant !!
Dans quel état d’esprit étaient vos étudiants ?
J’ai toujours beaucoup d’admiration pour ces jeunes qui se lancent dans des métiers artistiques souvent exigeants et anxiogènes (j’insiste sur le mot noble de « métier » qui signifie la maîtrise d’une pratique).
Un peu perdus au début, comme nous, ils se sont rapidement approprié les nouveaux outils de communication et les protocoles mis en place même si rien ne remplace la présence et l’échange symétrique de connaissances. S’attacher à un projet, à une commande, permet de se donner un objectif et j’ai senti les étudiants très conscients de ce besoin, très demandeurs.
Quels enseignements tirez-vous de cette période ?
Que Sapiens est un être social !
J’ai l’habitude du confinement volontaire en atelier pour faire aboutir mes projets et je sais que certaines pratiques ne souffrent pas de ces changements. Au contraire, l’obligation d’intégrer de nouvelles technologies à distance nous amène à nous réinventer sans cesse.
En revanche, ces ermitages forcés nous rappellent que les rapports humains et les échanges sont dans notre ADN. Ils sont indispensables à notre envie de créer et de questionner le monde.
Le site d'Olivier-Marc Nadel