Sept projets d’étudiants et diplômés de l’option Design textile de la HEAR à Mulhouse sont présentés à la Biennale Internationale Design Saint-Etienne 2019, au sein de Replica. Cette exposition établit un dialogue entre des entreprises chinoises et l’option Design textile, héritière directe de l’industrie locale depuis le XVIIIe siècle. Retour sur une collaboration riche qui interroge les processus de fabrication, les croisements culturels ainsi que les échanges économiques.

Tout a commencé avec l’appel à projet de la Biennale Internationale Design Saint-Etienne, qui invitait les écoles françaises et européennes à faire valoir leurs collaborations avec la Chine, pays invité de la Biennale, à travers des projets menés avec leurs étudiants. “Nous nous sommes emparés du sujet et nous avons été mis en relation avec des entreprises chinoises grâce au salon Texworld et la Messe Frankfurt”, explique Christelle Le Dean, enseignante et coordinatrice de l’option Design textile et en charge du projet Replica. “Nous avons cherché des entreprises impliquées dans un système de valeurs éthiques”, précise-t-elle.

Cinq entreprises embarquées dans l’aventure HEAR

Cinq entreprises chinoises ont joué le jeu et se sont lancées dans le projet avec les étudiants de la HEAR : CTDC-Beijing Founder (entreprise spécialisée dans prêt-à-porter homme/femme, casual et habillé), Dalian Faric Garment (entreprise spécialisée dans le prêt-à-porter pour homme et notamment les costumes masculins), Ecopel (Maison de fausse fourrure qui souhaite inspirer le recours à de nouvelles pratiques, innovantes et positives), Shenzen Oriental Secret Cultural Industries (principal représentant de l’industrialisation du patrimoine culturel immatériel chinois) et Zhangjiajie Pretty Girl Tujia Brocade Development Co., Ltd (entreprise de broderie Tujia).

Six mois après la première prise de contact, les étudiants, les diplômés et l’équipe enseignante présentent sept projets exposés aux halles Mazerat de Saint-Etienne. “Le résultat est vraiment superbe ! J’insiste vraiment sur la qualité de réalisation, de fiabilité, d’efficacité et de réactivité des entreprises partenaires qui ont permis la réalisation de cette exposition”, poursuit Christelle Le Déan. “Replica est le fruit d’une collaboration qui s’est établie à distance, basée sur une confiance mutuelle”.

Sept projets exposés

Découvrez les témoignages des étudiants et diplômés de l’option Design textile suite à cette expérience.

— Aurélien Finance : « Je veux faire voyager la cosmogonie Miao au cœur des Vosges »

Mon travail se situe entre le design textile et la performance artistique. Pour la Biennale internationale Design Saint-Etienne, j’ai voulu rendre hommage à la cosmogonie Miao en créant un dispositif spatial inspiré d’un bestiaire fantastique entièrement brodé sur un kimono d’art populaire appartenant à cette ethnie. J’ai pris contact avec Oriental Secret. Sheng Lin, Deputy General Manager, m’a accompagné dans mes recherches sur les broderies et motifs totémiques de l’ethnie Miao qui figurent sur ce kimono. J’ai donné vie à un buffle sacré orné de papillons que j’ai mis en scène dans une forêt de liane textiles aux couleurs flashy, qui rappellent la flamboyance des broderies. J’enfilerai le costume de cet animal sculpté tout en fils lors d’un prochain voyage au cœur du massif des Vosges, où je ferai une performance dans une véritable forêt !

— Pauline Simonet : « J’ai découvert que le brocart est un véritable système de communication ! »

Je m’intéresse aux motifs et savoir- faire traditionnels, plus particulièrement asiatiques : le projet Replica a donc été une chance et l’occasion de découvrir les broderies de la population Tujia. Le tissage est un véritable système de communication et je voulais créer un dialogue, à travers la technique du brocart, entre trois tisserandes Tujia et la designer européenne que je suis. Grâce à l’entreprise Pretty Girl et Jine Liu, Marketing Manager, j’ai pu proposer ce projet, à trois artisanes tisserandes : je leur ai demandé d’interpréter personnellement la même légende Tujia à travers quatre tissages différents (figuratif, géométrique simple, géométrique complexe) et d’y ajouter ma propre interprétation. En 20 jours, j’ai pu suivre l’évolution de ces tissages à travers des photographies que m’a envoyées Jine Liu, et découvrir et toucher avec beaucoup d’émotion quatre magnifiques pièces !

— Astrid Hunsinger-Loones : « C’est Mulhouse qui m’a inspirée cette collection de vêtements quotidiens, son passé, ses bâtiments post-industriels et son héritage du monde ouvrier »

Je vis et j’évolue à Mulhouse. La collection que je présente est une réflexion sur la silhouette d’un homme contemporain. J’ai choisi de travailler avec l’entreprise CTDC pour ses compétences en tant que confectionneur, expert dans la coupe et la fabrication de vêtements à partir de textiles innovants et matériaux techniques. Après un premier contact via Skype pour expliquer mon projet à Peter – Li Chao, merchandiser et plusieurs échanges par mail, j’ai reçu des échantillons pour choisir les tissus. Tout est allé très vite avec Peter qui a su retranscrire le concept de nos créations auprès des équipes techniques avec beaucoup d’énergie ! L’entreprise a été vraiment réactive. C’était parfois frustrant de ne pas pouvoir tout choisir de A à Z et de devoir faire confiance les yeux fermés à une entreprise située à des milliers de kilomètres, mais le jeu en valait la peine, je suis ravie du résultat suite à cette expérience inédite !

— Léa Barelli : « Une mode masculine légitimée par les codes de la performance. »

Passionnée par l’univers des sports mécaniques, j’ai voulu créer une collection d’une dizaine de vêtements et accessoires masculins inspirés de l’automobile, mais aussi du monde militaire et pompier. J’ai travaillé sur le tuning pour mon diplôme et j’ai remarqué que la mode masculine est clairement légitimée par les codes de la performance dans ce milieu. Je me suis donc tournée vers l’entreprise CTDC qui travaille avec des matières innovantes. À base de moodbards, de dessins techniques et d’échanges réguliers avec Peter – Li Chao, merchandiser, sur les tissus et matières, j’ai reçu en quelques semaines ma collection complète et qui plus est, conforme à mes attentes. L’expérience a été vraiment enrichissante : à l’heure de la délocalisation, c’était passionnant de vivre et suivre un processus de création à l’autre bout du monde.

— Mounir Slatni & Margaux Launay-Sajet : « À l’heure où la contrefaçon fait rage, nous décidons de répliquer quatre fois le même manteau en fausse fourrure : du produit basique à la haute couture en passant par le milieu de gamme »

Nous avons joué la réplique avec l’entre- prise ECOPEL qui nous a accompagné dans la démonstration de notre concept. Arnaud Brunois, responsable Communication, a accueilli notre projet avec intérêt et empathie, nous fournissant une magnifique fourrure qui imite l’ours à collier asiatique, choix que nous avons fait en honneur à la Chine. Nous avons patronné et cousu un premier manteau basique « milieu de gamme », que nous avons amélioré en créant un deuxième manteau plus long, avec une doublure et des manches retravaillées. Puis nous avons recopié ce dernier, en concevant un troisième manteau « luxe » avec certains attributs de la gueule de l’ours, brodés dans le dos. Enfin, le quatrième manteau « pièce unique » intègre une tête d’ours sculptée et moulée d’un cuir de la tannerie Degermann de Barr, concluant la démonstration. Le plus amusant fût de constater que la pièce, la plus difficile à créer fût… la première et la moins sophistiquée de toutes !

— Joanna Hateley : « J’ai répliqué le costume d’un gentleman britannique à partir d’une banque de données stylistique incroyable qui répertorie des centaines de détails de coupe. »

Mon travail se situe entre le design textile et la réflexion artistique. Sur le thème du vêtement de travail, j’ai réalisé un premier costume d’homme évoquant le burn out avec une technique d’impression à l’acide qui brûle le tissu. Dans la continuité de ce travail sur le vêtement masculin, en tant que représentation sociale, j’ai voulu reprendre point par point les attributs du costume trois pièces associés à la chemise blanche. En travaillant avec l’entreprise Dalian Faric, mes échanges constructifs avec Tracy Chu, P.D.G. de la société, m’ont permis de façonner un costume sur mesure en choisissant chaque détail de coupe dans l’immense base de données stylistiques que Tracy a mis à ma disposition. Grâce à ce processus de fabrication judicieux établi entre nous, j’ai pu dessiner une silhouette masculine en totale adéquation avec l’ambition que je m’étais donnée.

— Cécile Fosset : « Du papier peint à la cape brodée, j’ai déplacé un motif architectural, de l’espace vers la sphère plus intime du corps. »

Pour mon diplôme de master, j’ai sérigraphié un papier peint modulaire avec des motifs géométriques. J’ai eu envie de transposer ce travail destiné à une surface plane et de le confronter au volume d’un vêtement. J’ai imaginé le patron d’une cape composée de huit pièces sur lesquelles j’ai dessinée directement au crayon le motif qui me servit de référence à l’origine du papier peint. J’ai eu la chance de pouvoir contacter l’entreprise Oriental Secret qui a pour mission, la conservation du patrimoine culturel textile et immatériel chinois. Sheng Lin, Deputy General Manager, a immédiatement adhéré au projet, me proposant de broder les huit pans simultanément, en sollicitant plusieurs artisans. En quelques semaines, j’ai reçu de magnifiques pièces de lin brodées à la main de manière traditionnelle, avec des fils d’or, d’argent, bleu et orange. Ces différentes parties brodées seront ensuite assemblées et cousues à la main pour préserver une marque de fabrique sensible.

Remerciements
Zhang Tao, Sun Pei Ning,Florence Brouard, Arnaud Brunois, Li Chao, Tracy Chu, Liu Jine,Frédéric Pellerin, Lin Sheng ainsi que les équipes de la HEAR et, notamment, Noémi Bauemler-Peyre, Pascal Bichain, Claire Morel et Christian Savioz.


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