Des femmes écrivent et publient au XIXe siècle : ce n’est pas nouveau, mais il s’agit désormais de femmes de conditions sociales diverses, qui écrivent dans tous les genres littéraires. Des moralistes, des critiques et bien des écrivains hommes leur reprochent à la fois d’envahir un espace public où elles n’auraient rien à faire et seraient une source de désordre, et de trop exposer leur intimité, au mépris de la morale (en publiant, elles deviennent des femmes publiques, c’est-à-dire des prostituées) – mais aussi de la grandeur de l’art : car l’exposé d’expériences et de petits soucis de femmes ne saurait produire des oeuvres dignes d’intérêt. On partira de Virginia Woolf, et de la façon dont elle abordait ces questions dans Une chambre à soi (1929) et de ce motif de la chambre, avant de présenter quelques écrivaines françaises. Les femmes très diverses dont il sera question ont écrit avant ce qu’on appelle aujourd’hui la « première vague » du féminisme : Mme de Duras (1777-1828, duchesse et romancière) ; Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859, comédienne et chanteuse, puis poète) ; Claire Démar (1799-1833, dont on sait peu de choses, militante qui dénonce le mariage comme une prostitution légale) ; Flora Tristan (1803-1844, ouvrière coloriste avant de devenir femme de lettres et pionnière du socialisme) ; George Sand (1804-1876, romancière, autobiographe, journaliste, critique). Aucune ne s’est laissée enfermer dans le dedans, aucune ne s’est satisfaite du partage entre les sphères publique et privée dont le modèle s’imposait alors.
Biographie
Christine Planté est professeure émérite de littérature française du XIXe siècle et d’études sur le genre à l’université de Lyon 2. Elle dirige la collection « des deux sexes et autres » aux Presses Universitaires de Lyon. Une grande partie de ses travaux porte sur la place des femmes dans la littérature et la culture, et sur les théories, écritures et représentations du féminin/masculin, dans une perspective de poétique historique.