Strasbourg, HEAR

Intelligence artificielle, outil au service de… ou sommes-nous devenus l’outil ? Le laboratoire De traits et d’esprit de l’atelier d’Illustration organise une demi-journée de réflexions sur les images produites par l’intelligence artificielle générative. Trois experts de différents horizons brosseront une première ébauche du phénomène.

Seront abordés les enjeux juridiques liés à l’utilisation des images générées par l’IA, les avancées technologiques et les implications pour notre société. Enfin, un regard de praticien sur les possibilités et les limites actuelles des interactions entre IA et art visuel clôturera cet échange.

– Avec les intervenant·es

• Jean-Marc Deltorn
L’artiste et l’automate : vers de nouvelles formes de créations algorithmiques ?

De nouveaux outils algorithmiques proposent « d’un simple clic » de produire des œuvres susceptibles de rivaliser avec celles des humains. Ces intermédiaires techniques basés sur les dernières générations de réseaux de neurones sont capables de générer des œuvres — graphiques, musicales ou narratives — de manière partiellement automatique, à partir d’une phase d’apprentissage, en s’appuyant sur de vastes corpus d’œuvres préexistantes. Les grands modèles de langage (de Llama2, PaLM2 à GPT-4), les modèles génératifs dans le domaine de l’image (Dall-E, Stable Diffusion, MidJourney, etc.), ou du son (WaveNet, AudioCraft, etc.), viennent ainsi augmenter — et bouleverser — le paysage créatif, de l’atelier de l’artiste jusqu’aux salles de ventes. Entre démocratisation des modes création, émergence de nouveaux outils assistant le créateur et modification des pratiques de création, mais aussi face aux atteintes aux droits des artistes et perturbation du marché de l’art, ces machines-algorithmiques ouvrent ainsi de nombreux débats.
Dans cet exposé, nous proposerons un bref panorama de ces objets techniques en présentant dans un premier temps leurs mécanismes internes en nous appuyant sur un ensemble d’exemples d’applications à la création avant de discuter leur potentiel et leurs limites.

Jean-Marc Deltorn est professeur de droit, IA et sciences des données au Centre d’Études Internationales de la Propriété Intellectuelle (CEIPI) et au Bureau d’Économie Théorique et Appliquée à l’université de Strasbourg où il est titulaire de la Chaire « Dynamique Européenne des Normes face aux Technologies Émergentes (DENoTE) ». Avant de rejoindre le CEIPI, Jean-Marc travaillé dans le domaine de l’IA dans diverses institutions internationales, laboratoires de recherche et startups, en Angleterre, aux Pays-Bas et aux États-Unis. Jean-Marc est titulaire d’un doctorat en astrophysique de l’Université de Paris et d’un doctorat en droit de l’Université de Strasbourg.

• Julien Falgas
Quelle place pour la création individuelle dans un écosystème numérique marqué par l’impensé ?

Au sortir d’une thèse consacrée à l’innovation narrative chez les auteurs et les lecteurs des séries de bande dessinée numériques « Les Autres Gens » (Cadene et al.) et « MédiaEntity » (Simon & Émilie), nous avons pris conscience de la mainmise des grandes plateformes numériques sur l’accès et le partage des œuvres. Dans un écosystème numérique de plus en plus inféodé aux algorithmes de recommandation et à leurs métriques (vues, likes et autres retweets), la viabilité et la réception même des créations individuelles sont entravées.
Les technologies du machine learning n’ont à ce jour apporté aucune réponse probante aux biais structurels des réseaux sociaux numériques, tandis que les conséquences de leur influence sur nos sociétés se font désormais sentir bien au-delà de la sphère artistique. Cette situation ne semble pourtant pas avoir suscité plus de recul critique face aux très médiatiques avancées des modèles de génération de textes et d’images, basés sur ces mêmes technologies.
Nous appuyant sur le travail de Pascal Robert, nous livrerons quelques outils de pensée critique pour repérer les marques de l’impensé qui traverse le discours médiatique autour des techniques informatiques depuis leurs origines. Nous apporterons également des éléments de compréhension et d’analyse quant aux conséquences sociopolitiques de cet impensé. Enfin, nous défendrons une approche alternative du numérique et de ses potentialités pour la création comme pour la diffusion d’œuvres numériques.

Julien Falgas est maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication au Centre de recherche sur les médiations (Crem, Université de Lorraine). Président et cofondateur de la start-up Profluens, il est mis à disposition de cette dernière pour valoriser la technologie Needle dont il est l’inventeur. Cette plateforme de découverte de contenus et de mise en relation est disponible depuis peu à l’adresse https://needle.social

• Alexandre Roane
L’IA dans les pattes d’un illustrateur

L’IA générative (IAG) vise à générer des données originales, imitant la créativité humaine. Présentée comme un outil collaboratif pour les artistes, elle semble « démocratiser » la créativité en générant des milliers d’œuvres chaque heure. Des questions éthiques émergent toutefois autour de la propriété intellectuelle des sources dans lesquelles elle puise et de son authenticité artistique. Par ailleurs, malgré ses capacités, l’IAG peut avoir du mal avec le contexte subtil et les influences culturelles ou émotionnelles. Elle fonctionne sur des modèles statistiques, sans expérience personnelle ni subjectivité. Bien qu’elle puisse produire de jolies images, elle a du mal à atteindre l’originalité humaine, basant souvent ses créations sur l’existant. L’automatisation des tâches, la création automatique de designs à des prix abordables et la pression sur les tarifs pourraient cependant transformer le marché de la création, poussant des illustratrices et illustrateurs à perdre leur activité au profit de l’IA. Mais, la créativité humaine reste pour l’instant irremplaçable, et certaines et certains pourraient tirer parti de l’IA pour effectuer des tâches spécifiques. Nous aborderons, entre autres, quelques cas concrets : comment tirer parti de la capacité de travail de l’IA sans vendre son âme.

Alexandre Roane est illustrateur diplômé, en 1990, de l’École des arts décoratifs de Strasbourg. Il a travaillé dans la 3D à la Buff Cie à sa sortie de l’école, puis pour les éditions Milan press, Fleurus, Prisma média… Il crée des dessins de presse pour Ça m’intéresse. Rough-man indépendant pour la publicité, il conçoit des illustrations pour des affiches de spectacles, et s’aide parfois de la 3D lorsqu’il n’a pas envie de « gratter des décors ».

– Un événement coordonné par Joseph Griesmar dit Béhé, enseignant de l’atelier d’Illustration.

 

Présentation de l'atelier Illustration

— Jeudi 14 décembre de 14h à 18h
Site Art et Communication, Auditorium
1 rue de l’Académie à Strasbourg
Entrée libre dans la limite des places disponibles