La rue est son domaine, les murs son support d’expression. Pourtant, c’est sur le sol du parvis de la HEAR à Mulhouse que Simon Morda-Cotel, alias WOSE, a réalisé une nouvelle œuvre le mois dernier. Focus.

L’art urbain et la culture hip hop saisissent Simon à 15 ans. Il fait alors ses premières armes sur les murs d’un sous-sol et trouve son pseudonyme d’artiste. Après son bac, il effectue une première année d’étude à la faculté d’Art d’Amiens, étape pendant laquelle il peint quelques acryliques et découvre l’anamorphose, et plus particulièrement les travaux du photographe plasticien Georges Rousse. Son passage à la HEAR durant les cinq années suivantes et les pratiques d’ateliers lui permettent d’expérimenter de nouvelles techniques, de composer son art et d’étoffer son style, entre peinture, muralisme et installation.

Suite à son DNSEP Art obtenu en 2016, il part en résidence à Shanghai pendant un an. « J’ai eu la chance d’intégrer le programme de recherche Offshore (post-diplôme de l’école d’art de Nancy, dirigé par Paul Devautour). Cela m’a permis de rester dans une réflexion contemporaine tout en bénéficiant d’un atelier au sortir de l’école. J’y ai pratiqué la peinture, mais aussi l’installation et la performance. » Cette année à Shanghai lui a notamment permis de mener une réflexion sur la question de la monstration d’une recherche plastique hors du contexte institutionnel et de participer à un projet collectif de mise en place d’une galerie itinérante sur un San Lun Che (vélo traditionnel chinois), expérience enrichissante pour un artiste du terrain qui plébiscite le rapport à l’in situ.

Après une autre année passée à l’étranger, dans un atelier barcelonais partagé, Simon est revenu en France pour poursuivre sa recherche et sa carrière : « J’ai un atelier dans lequel j’aime essayer de nouvelles choses sur toile. Cette pratique d’atelier nourrit mon travail de muraliste, et vice versa. C’est un lieu d’expérimentation, mais je suis plus à l’aise sur un mur de 10 m que sur une toile de 40 cm. » Même si Simon reconnaît avoir eu de la chance, tout n’a pas toujours été facile : « Les deux ou trois premières années on se retrouve souvent en compétition avec d’autres artistes. Mais je reçois pas mal de demandes spontanées maintenant, c’est chouette de savoir que mon travail est apprécié et que le bouche-à-oreille fonctionne. Et puis je réponds aussi régulièrement à des appels à projet, comme je l’ai fait pour “Mulhouse Diagonales”. C’est fastidieux, chronophage, mais ça vaut le coup. »

Commandes publiques

En quelques années, WOSE a investi des murs à Mulhouse, Colmar, Strasbourg, Paris, Marseille, mais aussi Bucarest, Phnom Penh ou encore Shanghai… Le point commun ? Il s’agissait chaque fois de commandes publiques. « J’ai un intérêt particulier pour la monstration de mon travail dans l’espace public. J’apprécie le fait d’occuper cet espace, car j’ai la possibilité d’y toucher un large public, quel que soit le genre, l’âge, le milieu social. Et chaque jour, même chaque instant, la perception de l’œuvre peut changer. On peut passer dix fois devant une même fresque et la ressentir dix fois différemment, grâce à la lumière, au point de vue ou à l’humeur du jour. C’est ce que j’aime proposer aux gens. »

Et sa proposition artistique dans le cadre du projet d’aménagement urbain « Mulhouse Diagonales », qui a pour but de redonner une place à la nature et à l’eau au cœur de la ville, a retenu l’attention de la mairie de Mulhouse. Après l’installation de la passerelle des Berges de l’Ill, le quai des Pêcheurs fait l’objet d’une piétonisation partielle et Simon souhaite le ranimer en reliant l’asphalte à la rivière qui s’écoule en contrebas par les couleurs et l’effet de scintillement à la surface de l’eau. « Ce travail s’articule autour de deux axes : matérialiser l’entrée du canal de l’Ill et proposer aux flâneurs une balade onirique. » Pour cela, il réalise une fresque sur la thématique de l’eau et sa transparence. « J’utilise des camaïeux de bleus-verts pour établir une résonance avec les berges. Et je voudrais tenter de matérialiser l’effet de scintillement à la surface de l’eau, d’apporter de la lumière et de la vibration sur le macadam. »

Sur le devant de l’école

Cet emplacement sur le parvis de la HEAR à Mulhouse revêt une valeur symbolique pour Simon : « Cela a du sens pour moi de mener ce projet ici, il y a de l’affect. J’ai passé cinq années à l’école ; en tant qu’artiste je me suis construit ici, et ce quai a hébergé bon nombre de mes méditations. » Retour dans le passé donc, mais expérimentation nouvelle aussi puisque c’est la première fois que WOSE travaille sur sol : « La thématique du projet m’a intéressé, mais c’est aussi l’occasion pour moi de sortir de ma zone de confort, de découvrir un nouveau terrain de jeu et de me confronter à de nouvelles problématiques. C’est un bon défi ! », dit-il avec un sourire que son masque ne peut dissimuler. La nouveauté et l’imprévu n’effraient pas l’artiste : « Je laisse place à une part d’improvisation, ce qui peut faire légèrement varier le délai d’exécution. Mais la grosse inconnue de ce projet c’est surtout sa pérennité. J’utilise de la peinture routière extrêmement solvantée que j’applique au rouleau monté sur perche et au pinceau, mais je ne peux pas garantir sa tenue sur une très longue période, plusieurs années par exemple. Cela dépend des conditions météo, du frottement et de l’ampleur du passage. »

Quelques contraintes extérieures donc… Quand on lui demande si ce n’est pas frustrant de répondre à des cahiers des charges parfois très spécifiques, il répond : « Ça serait un rêve que de pouvoir décrocher des “cartes blanches” toute sa vie. Il faut développer sa capacité à accepter un projet qui comporte des contraintes : thématique, budget, délais. L’important étant de rester cohérent et intègre, en phase avec ses valeurs. »

Sur le quai des Pêcheurs, WOSE avait quartier libre. « C’était très stimulant d’aborder ce nouveau challenge, et passer d’un projet à un autre me donne de l’énergie car j’essaie chaque fois de produire quelque chose de différent. Et de me surprendre moi-même. » Simon réitérera d’ailleurs bientôt son aventure sur sol devant les locaux de KMØ : « Il s’agira là de réaliser une fresque d’environ 1000 m² autour d’une thématique plus industrielle, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant. » Nous en restons donc là ; bonne route à lui !

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Anaïs Jean • Publié le 08 novembre 2021