Strasbourg, jardin de la HEAR — in Arsmondo tsigane

Une exposition de Romuald Jandolo investit le jardin de l’école à l’occasion du festival Arsmondo tsigane proposé par l’Opéra national du Rhin du 11 mars au 3 avril 2022. Rencontre autour d’une caravane, sorte de musée nomade, après ses précédentes escales à Paris et Deauville dans le cadre de l’installation “Last dance”.

Issu du monde du spectacle, Romuald Jandolo s’appuie sur des faits autobiographiques pour construire ses installations. Après une enfance nomade consacrée à cet univers, Romuald Jandolo s’est ensuite formé aux beaux-arts et développe maintenant un travail qui, souvent, met le spectateur en position de voyeur.

L’installation « avant que l’ombre ne passe » est un projet mobile qui invite les spectateurs à découvrir une mise en scène d’un campement, proche de celui où a grandi l’artiste, autour d’une caravane. Cette dernière constitue le cœur de la scène et sera transformée en « cabinet de curiosités ». Une bande-son d’un spectacle de cirque, issue des archives familiales de Romuald Jandolo, complètera le dispositif et résonnera dans le jardin de la HEAR comme un écho. Cet espace intime sera offert au spectateur comme un musée mobile.

Avec le soutien de la Région Normandie et la DRAC Normandie.

 


Dans cette “situation de cirque”, Romuald Jandolo puise dans son histoire intime et déplace des éléments du folklore forain dans le champ de l’art contemporain et inversement. Il soumet le projet tout entier aux itinérances de son enfance, et emprunte la forme aux reconstitutions des musées d’art populaires et d’ethnographie, autant qu’à la nature morte et au tableau vivant.
Pour celles et ceux qui le connaissent, Romuald Jandolo manie la démesure comme une figure de style et une esthétique de vie. Il aime repousser les limites du goût, des relations et des attentes, des jeux sociaux entendus et des codes de classe. Seuls comptent l’humour et la dérision comme transgressions ultimes, mais aussi moyens privilégiés de transmettre des récits et de provoquer la rencontre.
Des couleurs propres à son travail sont rejouées ici, pour votre bon plaisir : une performance très camp des genres, un exotisme forain à la petite semaine, une mythologie du voyage galvaudée par essence. Ou encore un syncrétisme culturel d’échoppe touristique et un méli-mélo mystique d’arrière boutique de magie pour novice en mal d’aventures. Autant de ressorts dramatiques pour encourager des émotions franches et outrées – presque de l’ordre de la pulsion ou de l’instinct – oscillant entre émerveillement et terreur, hilarité et accablement, intérêt sincère et curiosité déplacée. Le ridicule côtoie le sublime. Le pouvoir du Kitch opérera toujours.

Sa position n’est néanmoins pas celle de l’adhésion mais d’une ambivalence savante entre chiens et loups, d’un balancement perpétuel entre les ressentis immédiats de l’enfance et les désillusions cruelles de l’âge adulte. D’une œuvre à une autre, il s’emploie à transformer clichés et stéréotypes faciles en figures hybrides et archétypes d’un genre nouveau. Dans sa dimension intime, la caravane est une caverne, une grotte habitée de symboles. Un papier peint de l’artiste travesti en Diva ou Madone parmi les lions reformule un ancien mural – et entretient une étrange ressemblance avec une photographie de sa mère. Tout autour, des motifs de poils et de roses enlacés forment des grottesques sexués inspirés de la fascination si particulière de Georges Bataille pour les signes élémentaires de la grotte de Lascaux.
Présentée comme un écrin, elle fait office de cabinet de curiosités, de reliquaire ou de boîte à trésors jalousement gardée. Elle renferme, sous forme de fragments éparses, des souvenirs d’histoires de famille, de traumas enfouis et de contes écoutés avant de dormir. Une main en verre longiligne et spectrale remontant le long des couvertures suffit à évoquer toutes les peurs nocturnes : la Dame Blanche, messagère des morts à venir, le Chpouck, figure du Mal malicieuse et redoutable dans la culture orale, et la crainte indicible, originelle des ténèbres.

Et si, au milieu de cela, les identités n’étaient après tout que fictions ?
Voyez-vous, la vraie question de cette situation serait peut être celle-ci : comment les récits de famille, les regards et paroles des autres inventent et construisent pour nous une identité? Autres dont, parfois, les mots deviennent nos mots, nos images, notre imaginaire. Lorsque ces voix susurrent à l’arrière de nos têtes et se mêlent à notre chair, comment devenir soi? Comment se saisir de ces mots, les manipuler, les malaxer, les corrompre, nous les approprier jusqu’à ce qu’ils nous appartiennent et nous représentent? Comment faire la paix avec les siens?

Bienvenue aux étrangèr · es, aux ami · es, aux curieux · ses de passage et aux flâneur ·ses s arrivé · es là par hasard !

Août 2020, Anaïs Lepage : “Romuald Jandolo, Last Dance, 2020-21” – extraits.


— Du vendredi 11 mars au samedi 2 avril 2022
Entrée libre – du lundi au samedi, 8h – 19h
Jardin de la HEAR – Site d’arts plastiques
1 rue de l’Académie à Strasbourg (Arrêt Tram Gallia / Arrêt Bus Saint Guillaume)

L’exposition donnera lieu à une conférence de l’artiste le 8 mars et à un workshop avec des étudiant.es.

Site de l'artiste
Site du festival Arsmondo tsigane - Opéra national du Rhin
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Dans le cadre du festival Arsmondo tsigane 2022, la HEAR a également le plaisir d’inviter le réalisateur Jean-Charles Hue pour une projection de deux de ses films Voir l'agenda Projection du 1er avril