En février 2022, étudiantes et jeunes diplômées de l’Option Design textile à Mulhouse sont parties une semaine au Ghana. L’occasion, pour elles, de découvrir les coulisses d’Akosombo Industrial Company Limited, qui fabrique encore du wax dans les règles de l’art. Ce voyage leur a également permis de finaliser une série de prototypes inspirés par le fameux tissu.

Les étudiantes de l’option Design textile à Mulhouse ont dit “oui” tout de suite, lorsque Christelle Le Déan, designeuse et enseignante leur a proposé, dès 2021, de participer à un projet mettant à l’honneur le wax, ce tissu venu d’ailleurs. D’ “ailleurs”, mais d’où ? D’Afrique ?
« Le wax, qui a plus de 120 ans, est issu de la rencontre de différentes cultures », précise Anne Grosfilley, anthropologue, spécialiste du textile et de la mode en Afrique. En effet, si à l’origine le wax s’inspire du batik indonésien, dont les motifs sont dessinés à la cire avant de teindre le tissu, sa commercialisation se fait d’abord en Europe – Angleterre et Pays-Bas –, et sa diffusion en Afrique. Produit de luxe au départ, il se démocratise au milieu du XXe siècle sous l’influence notamment des revendeuses togolaises. Anne Grosfilley, qui a accompagné le projet de la HEAR, parle alors d’un « tissu fédérateur, qui crée du lien entre les femmes, entre les générations, entre l’Afrique et sa diaspora .» Si bien que dans les années 1960, en marge des prises d’indépendance, plusieurs pays africains se mettent à produire eux-mêmes du wax. À commencer par le Ghana, où la HEAR a organisé son workshop d’une semaine, en février 2022, avec le soutien de l’Ambassade de France et de l’Institut français au Ghana.

Immersion immédiate dans le processus de fabrication

C’est dans les locaux d’Akosombo Industrial Company Limited (AICL) que Christelle Le Déan et les étudiantes ont posé leurs bagages. Un choix qui n’avait rien d’anodin. « Cette entreprise, aux capitaux 100% ghanéens, continue l’impression au bloc, pour un wax authentique avec ses parfaites imperfections », souligne Anne Grosfilley.

Une fois sur place, immersion immédiate dans le processus de fabrication, encadrées par une équipe de professionnels de l’entreprise très investie.
« Chaque étudiante a développé un design original autour d’une narration, nous avons pu suivre tout le processus de fabrication in situ, et notamment les 6 points techniques incontournables qui permettent d’identifier “un wax véritable” (gravure – calage et impression du motif wax en recto / verso – teinture indigo – bubbling, crackling – impression au block print à la main » raconte Christelle Le Déan.

Louison Billy diplômée de la HEAR, aujourd’hui free-lance à Paris pour “Emmaüs coup de main” retient de cette expérience « les contacts humains, le travail en équipe et la façon de trouver des solutions ensemble. C’est aussi une expérience valorisante dans notre parcours, car nous étions à la fois designers textile et créatrices. » Avis partagé par Perrine Caloin, en master 2 : « Nous nous sommes rendu compte des conséquences que pouvait avoir un dessin, une fois remis entre les mains de techniciens et confronté à des machines. À ce titre, j’ai été impressionnée par le travail acharné des équipes sur place, pour que nous puissions repartir à temps avec nos prototypes. » Ce workshop fait partie de son diplôme de fin d’année. « Actuellement, je poursuis un travail autour du papier peint et de la création de vêtements en m’inspirant du wax », confie-t-elle. Plus tard, Perrine Caloin n’exclut pas de collaborer à nouveau avec les équipes d’AICL : « J’aimerais créer un autre motif pour eux. » Une bonne façon de faire perdurer le savoir-faire local et lutter contre la contrefaçon “made in China”. Car, aujourd’hui, la production chinoise représente 90% du marché du wax.

Le meilleur de la créativité

« Lorsque le monde universitaire et l’industrie associent leurs forces, c’est la porte ouverte au partage des connaissances et au meilleur de la créativité. » Sammy Acquah, responsable des ventes chez Akosombo Industrial Company Limited, se dit satisfait du partenariat avec la HEAR, le temps d’un workshop au Ghana. « Nous sommes ravis de cet échange culturel et d’avoir réussi à tenir les délais pour réaliser les prototypes des étudiantes. La perspective de développer des modèles qui racontent des histoires françaises, en utilisant des motifs et des coloris français, a été une vraie motivation », poursuit-il. À cela s’ajoute l’envie et la fierté de ses équipes à montrer, expliquer et transmettre.

Ont participé au voyage/workshop au Ghana les étudiant·es : Louison Billy, Perrine Caloin, Maëlle Charpentier, Marie Damageux, Marguerite Outhenin-Chalandre et Ninon Rousseau.


Anne Eveillard • Publié le 19 mai 2022
Photos © HEAR-AICL

— À voir : présentation des prototypes issus du workshop au Ghana, de fin juin 2022 à février 2023 au Musée de Bourgoin-Jallieu, dans une exposition menée par Anne Grosfilley.
— À savoir : « Wax & co », par Anne Grosfilley – Éditions de La Martinière – 264 pages – 35 euros.

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Site d'Akosombo Industrial Company Limited